Londres, « une ville qui toujours se releva de ses ruines »

Sabine Albert présente son "Dictionnaire de Londres" précis, insolite et instructif sur la ville organisatrice des Jeux olympiques 2012

En accueillant pour 2012 les Jeux olympiques, Londres en a profité pour subir quelques transformations urbaines, mais si le dossier de candidature de cette ville a été retenu par le Comité international olympique (CIO), c’est surtout parce que le décor offert par Londres ne peut que sublimer un évènement sportif d’une telle ampleur. Sabine Albert, dans son Dictionnaire de Londres aux éditions Honoré Champion, compare les traditions séculaires de cette ville avec la réalité d’aujourd’hui, pour un portrait on ne peut plus riche de la cité qui « toujours se releva de ses ruines ».

Big Ben, les studios d'Abbey Road, le marché de Camden, Hyde park, le Tate museum, Whitehall... Londres abonde de lieux historiques et mythiques qui la placent parmi les villes préférées des touristes. Sabine Albert, agrégée de lettres et diplômée d'anglais, a voulu, dans son Dictionnaire de Londres offrir aux curieux la possibilité de confronter la perception qu'ils ont de la ville aujourd'hui avec son passé, émaillé de grands personnages : Jack l’Éventreur, Charles Dickens, Virginia Woolf, Henri VIII, riche en événements culturels. Pour ce faire, Sabine Albert a très bien su donner une "épaisseur" aux mots. Plus qu'une simple définition qu'elle propose, c'est sans cesse un va-et-vient avec le passé et le présent qu'elle opère avec intelligence. «J’ai aussi voulu placer mon dictionnaire sous les hospices de deux autres grands dictionnaires : le Dictionnaire de la conversation et de la lecture (1832) de William Duckett et le Dictionnaire de Johnson (1755), du lexicographe Samuel Johnson.»

La Tamise devant le Quai Albert et l’Hôpital Saint-Thomas
The Graphic, 24 juin 1871

Londres : «marché bourdonnant du commerce» (Tacite)

C'est donc au total quelques 300 articles qui composent ce dictionnaire original et qui permettront aux visiteurs aguerris ou novices de plonger dans la vivifiante histoire de Londres. Ville cosmopolite par excellence, Londres a connu plusieurs populations ce qui expliquerait l'origine de son nom, comme le rappelle Sabine Albert : Même s'il y a plusieurs origines possibles, Londres pourrait venir de Londinium. C'est une ville très ancienne qui a été très souvent occupée par exemple par les Romains à l’époque de Néron et de Claude. Sous la domination anglo-saxonne, Londres était appelée Lendenburh (fort de Londres) ou Lundenwic (Londres ville du commerce), par les Vikings, avant que les Normands ne s’installent à partir de 1066. Quoi qu'il en soit Londres est très tôt devenue un centre commercial de premier plan, ce qui fit Tacite la qualifier de «marché bourdonnant du commerce». Une tradition qui subsiste encore aujourd'hui avec les nombreux marchés qui y ont lieu : le marché de viande et volaille de Smithfield qui se tient depuis plus de 800 ans, le marché de Billingsgate, le plus grand marché aux poissons du Royaume-Uni, le marché de Camden, spécialisé dans les vêtements et à l'avant-garde du "London style".


Architecture : entre traditions et modernité

Architecturalement aussi, Londres éblouit. D'ailleurs pour accompagner ses définitions, Sabine Albert a émaillé son Dictionnaire d'illustrations anciennes tirées de The Graphic, journal illustré hebdomaire britannique ou de différents dictionnaires (Encyclopédie universelle du XXe siècle, Grand dictionnaire universel par M.Chevreuil...). «Londres diffère de Paris. Mettre un bâtiment très nouveau à côté d’un édifice ancien d’un architecte renommé ne pose aucun problème.» signale l'auteur. Ainsi, l'architecture victorienne (la gare de Saint-Pancras) cohabite avec des constructions modernes comme celle que l'on peut trouver à Canary Wharf, un quartier d'affaires situé à l'est de la ville avec par exemple la Canada Tower (250 mètres de hauteur), conçue en 1991 par l'architecte argentin César Pelli.

"Vue sur Saint-Paul"
<i>The Graphic<\/i>, 29 juillet 1871

Sabine Albert insiste sur le rôle primordial qu'a joué Henri VIII dans le développement de la ville: «Henri VIII a énormément développé l’architecture londonienne, dans la période Tudor, c’est la renaissance, l’amour des arts, il a fait rénové beaucoup de palais comme celui de Whitehall. Plus tard, sa fille Elisabeth Ière développera le théâtre avec Shakespeare.»
Pour chaque monument, Sabine Albert accompagne sa définition d'un extrait d'un dictionnaire ancien, qui permet aux lecteurs de saisir les impressions qu'ont engendré tel ou tel monument. Prenons Trafalgar square, une des places les plus célèbres de la capitale. Dans La Grande Encyclopédie (1855-1902), Marcellin Berthelot n'hésite pas à qualifier cette place d'une «architecture médiocre et sans proportions». Le fameux quartier de Whitechapel n'est pas non plus épargné par les auteurs de dictionnaire : «les quartiers pauvres comme Whitechapel, avec leurs roues boueuses, leurs maisons sales, leur population en haillons .» (Nouveau Larousse illustré, sous la direction de Claude Augé) Et pourtant aujourd'hui, ce quartier fascine : des excursions nocturnes sont organisées sur les traces de Jack l'Eventreur. L'écrivain Charles Dickens s'inspira d'ailleurs de ce quartier dans ses romans. De même pour Hyde Park, apprend-on dans La Grande Encyclopédie de Marcellin Berthelot qu' «en 1652, il fut vendu pour 17068 livres sterling ; mais, devenu le grand rendez-vous du monde élégant, de la fashion, il fut racheté par la couronne.»

« Qui est fatigué de Londres est fatigué de la vie ! »

Mais Londres, c'est aussi et surtout un mode de vie. Dans cette émission, Sabine Albert souligne l'importance qu'ont les pubs dans la ville et le quotidien des Londoniens. Elle rappelle également leur origine : « le pub (diminutif de public House) fut d’abord au Moyen Âge, un cercle paroissial situé sur les routes de pèlerinage. Devenu par la suite une auberge et parfois un relais de poste, il se transforma au XIXe siècle en un lieu de réunion pour les ouvriers qui commençaient à se syndiquer. » Et si une femme commandera toujours un demi ou un verre de vin - jamais une pinte- un homme risquerait de se faire railler ou charrier sur sa virilité s'il commande un shandy (panaché). Les Londoniens ont pris habitude de laisser un pourboire aux serveurs, un geste que l'Académie française dans la cinquième édition de son Dictionnaire (1798) définit en ces termes : «petite libéralité en signe de satisfaction.»
Le football occupe également une place importante dans le cœur de Londres. Les enceintes sportives sont nombreuses et des stades comme Wembley, Twickenham ou le futur London Olympic Stadium qui accueillera des épreuves des prochains Jeux Olympiques. A juste titre, Sabine Albert rappelle que c'est la troisième fois que Londres accueille les JO, ce qui constitue un record. «La première fois en 1908, on a distribué les premières récompenses, les premières médailles. Puis en 1948, Londres a encore une fois été choisie comme ville organisatrice.»

Londres, armes de la cité
<i>Encyclopédie universelle du XX<sup>e<\/sup> siècle, <\/i> Libriarie Nationale, 1908

Ce Dictionnaire de Londres apparaît donc essentiel pour appréhender cette ville, imprégnée d'histoire et de culture, une ville sans cesse en éveil et en évolution. Une ville dont il est impossible de se lasser comme le résume la formule du lexicographe Samuel Johnson : « Qui est fatigué de Londres est fatigué de la vie ! »

Clément Moutiez

Sabine Alberte, auteur du  Dictionnaire de Londres, "qui toujours se releva de ses ruines"
© Clement Moutiez

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