Jean-Marie Lustiger par Henri Tincq : enfance, tragédies et conversion (1/2)

Le journaliste évoque la figure du "cardinal prophète", élu à l’Académie française. Entretien avec Damien Le Guay
Avec Damien Le Guay
journaliste

Longtemps responsable des informations religieuses au journal Le Monde, Henri Tincq vient de publier la première biographie de Jean-Marie Lustiger (mort le 5 août 2007). Avec Jean-Marie Lustiger, le cardinal prophète aux éditions Grasset, Henri Tincq revient dans cette émission sur les moments essentiels de la vie de cet homme qui disait de lui-même : « Je suis une provocation vivante ».

Émission proposée par : Damien Le Guay
Référence : pag1070
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Né dans la religion juive le 17 septembre 1926, converti et baptisé à Orléans en 1940, Jean-Marie Lustiger deviendra prêtre catholique en 1954, aumônier de la Sorbonne jusqu’en 1969 date où il assumera la charge de curé de la paroisse Sainte-Jeanne-de-Chantal à Paris, puis, en 1979, celle d’archevêque d’Orléans et en 1981 celle, encore plus lourde, d’archevêque de Paris et ce pendant 24 ans. Créé Cardinal en 1983, il sera élu à l’Académie française le 15 juin 1995. Tout dans sa vie est improbable. Et pourtant, sa vie et son œuvre marquent durablement le catholicisme à Paris et en France.

Pour comprendre Jean-Marie Lustiger encore faut-il comprendre son enfance. Ses parents sont des Juifs de Pologne. Charles Lustiger, son père, né en 1899 arrive en France en 1918 et se marie en 1925 avec une cousine lointaine, Gisèle-Léa Lustiger (Lustiger étant aussi son nom de jeune fille). Deux enfants naissent à Paris : Aron le 17 septembre 1926 et Arlette en 1930. Aron est circoncis à la naissance mais ne reçoit pas d’éducation religieuse et ne fera pas sa bar-mitsva.

A 10 ans, il découvre la Bible chrétienne et la lit en entier. En 1936-1937 il passe l’été en Allemagne dans le cadre d’échange linguistique. En 1939, au début de la « drôle de guerre », il est envoyé à Orléans et y restera jusqu’en 1942. Là il fait la connaissance de Suzanne Combes, âgée de trente ans, enseignante, chrétienne, qui s’occupera de lui et de sa sœur. Un jour d’avril 1940 (jour du Jeudi Saint – ce qu’il ignore alors), il entre dans la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans. Il y retourne même le lendemain. Et là, dira-t-il plus tard : « J’ai eu l’intuition que ce que je pensais de la condition juive trouvait dans la figure du Messie son sens et un certain aboutissement. » Le désir d’un baptême apparaît en lui. Ses parents sont contre. Ils le retirent d’Orléans, le réinstallent à Paris, lui font rencontrer un rabbin pour le ramener à de plus justes dispositions. Mais rien n’y fait. Lorsque la guerre se précise, les deux enfants retournent à Orléans. Là, avec sa sœur, il reçoit, de la part de l’évêque, une instruction religieuse et les deux enfants sont baptisés le 25 Aout 1940. Aron devient Jean-Marie.

Ajoutons à cela que les deux parents Lustiger en octobre 1940 recevront eux aussi le baptême – un baptême de complaisance pour se mettre à l’abri de l’antisémitisme ambiant. Mais cela ne suffira pas. La mère de Jean-Marie est arrêtée le 10 septembre 1942, internée 5 mois à Drancy, déporté en février 1943 et, à 39 ans, finira gazée à Auschwitz.
Après la guerre, Charles Lustiger fera tout pour faire annuler le baptême de Jean-Marie. Il fera même intervenir Jacob Kaplan, futur grand-rabbin de France (membre de l'Académie des sciences morales et politiques). Un peu plus tard, il s’opposera à l’entrée au séminaire de son fils – toujours mineur. Cette brouille entre le père et le fils se prolongera. Le père sera cependant là le 17 avril 1954 quand son fils sera ordonné prêtre.

Henri Tincq nous explique ici, après une enquête fouillée auprès de 80 témoins, la vie et la vocation juive de celui qui est et restera « le cardinal juif ».

- Henry Tincq, Jean-Marie Lustiger, le cardinal prophète aux éditions Grasset

Damien Le Guay

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