Fra Angelico : un nom qui sonne comme la musique des anges !

Initiation au maître du Quattrocento
Avec Krista Leuck
journaliste

L’œuvre du grand maître toscan du Quattrocento est présentée au musée Jacquemart-André. Son conservateur, Nicolas Sainte Fare Garnot, nous fait saisir l’originalité de Fra Angelico au cœur de la première Renaissance florentine.

Émission proposée par : Krista Leuck
Référence : carr835
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C’est la première fois en France qu’un hommage d’une telle importance est consacré à Fra Angelico. Cet hommage prend forme au Musée Jacquemart-André, jusqu'au 16 janvier 2012, avec l'exposition Fra Angelico et les Maîtres de la lumière . Sont réunies ici des œuvres majeures dispersées en Italie, à Florence évidemment, au Vatican, à Pise, Turin, Parme, Bergame, mais aussi à travers toute l’Europe au Musée des beaux-arts de Budapest et de Nice, sans oublier le Louvre.

FRA ANGELICO, né Guido di Pietro vers 1387 à Vicchio di Mugello, terre d’origine de la famille Médicis qui fut l’un de ses grands commanditaires, commence à peindre avant de rentrer dans les ordres. En 1430, le peintre se fait moine dominicain et prend le nom de "Fra" Angelico au couvent Saint Dominique de Fiesole. Il continue à exercer son art en se consacrant à la peinture sur bois, sans pour autant négliger son activité de miniaturiste connue grâce à la congrégation des moines camaldules de Sainte-Marie-des-Anges où travaillait également Lorenzo Monaco, un autre grand peintre visionnaire du gothique tardif.

En compagnie de Nicolas Sainte Fare Garnot nous parcourons l’art italien du Trecento et du Quattrocento. C’est l’époque où l'émergence de la perspective révolutionne l’architecture, la sculpture et la peinture s’inspirant de l’architecture de l’Antiquité. Voir l’architecte Brunelleschi (1377-1446), inventeur de la perspective et constructeur de la coupole du Duomo de Florence. Et Masaccio (1401-1428), le premier à innover en utilisant la perspective linéaire, bouleversant ainsi les codes artistiques.

Fra Angelico (1387-1455), Le Couronnement de la Vierge, 1434-1435 Inv. 1890, n. 1612, tempera sur bois, 114 × 113 cm, Galerie des Offices, Florence
© 2010. Photo Scala, Florence - courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali


Du Gothique International à la première Renaissance

Dans sa phase finale, le gothique se répand sur tout l’occident chrétien. Si les artistes italiens ont souvent privilégié les murs des églises pour y développer de vastes cycles narratifs, porteurs des grands messages de la Chrétienté, les ateliers d’enlumineurs produisent des antiphonaires, et autres codes, dont la décoration est toujours confiée aux meilleurs d’entre eux. Cette production a révélé le nom d’artistes comme Lorenzo Monaco (1370-1424) qui fut non seulement l’un des plus fameux peintres de la ville mais également le premier maître de Fra Angelico. C’est dans ce cadre, et sous l’influence d’un art inspiré par le style gothique international, que débute la carrière du jeune peintre dominicain.

Fra Angelico (1387-1455) Thébaïde. Ces panoramas historiés où l’on retrouve toutes les figures de l’érémitisme chrétien, d’Orient ou d’Occident
tempera sur bois, Inv. 1890 n. 447, 75 x 208 cm, Galerie des Offices, Florence <br /> © 2011. Photo Scala, Florence - courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali
Lorenzo Monaco (1370-1424) Saint Nicolas sauvant un navire,  avant 1424. Ce panneau de prédelle provient certainement du grand retable de Santa Trinita que Lorenzo Monaco laissa inachevé à sa mort en 1424.
tempera sur bois, Inv. 1890 n. 8617, 26 x 58,5 cm, Musée de San Marco, Florence <br /> © 2011. Photo Scala, Florence - courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali

Une peinture intemporelle - Une peinture en méditation

Les sujets auxquels Fra Angelico s’attache relèvent de la tradition picturale religieuse, mais il les réinterprète tout au long de sa carrière.
Il s'inspire de sujets jusque là ignorés comme la conversation sacrée.
Il peint des êtres de pure spiritualité, toute son œuvre exhale la piété.
Ainsi les nombreuses variations autour du thème de la Vierge d’humilité témoignent de sa grande facilité à intégrer les audaces stylistiques introduites par les innovations des grands maîtres de son temps, comme Masolino et Uccello. Une nouvelle représentation du monde, plus réaliste, s’impose. Elle induit une autre approche de l’homme et de la nature reposant sur les règles de la perception spatiale. Fra Angelico insère subtilement ces nouveaux préceptes dans son œuvre.
Il a pleinement participé à cette révolution artistique et culturelle qui bouleverse Florence au début du XVe siècle en étant l’initiateur d’un courant artistique appelé par les spécialistes « peintres de la lumière ».

Fra Angelico, Vierge d’humilité avec saint Dominique, saint François, saint Jean-Baptiste, saint Paul et quatorze séraphins
1428-1430, tempera sur bois, Galleria nazionale, Parme, <br /> © 2011, photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali

Nicolas Sainte Fare Garnot aborde les multiples facettes du peintre florentin, son extraordinaire maîtrise de l’enluminure (des missels, des bréviaires) et de la technique de la fresque — son fabuleux travail des fresques des cellules de moines au couvent de San Marco à Florence (présenté grâce à une vidéo dans l’exposition).

Quelle serait la quintessence de l’art de Fra Angelico ? Outre son art empreint d’élégance et de sérénité, l’humanité de ses personnages, la fabuleuse richesse des couleurs, nous sommes frappés par l’infinie piété qui émane de chaque tableau. Toute sa peinture est inspirée par une grande profondeur spirituelle.
L’originalité de Fra Angelico tient essentiellement à la virtuosité avec laquelle il a su marier sentiment religieux et modernité artistique. Parmi ses chefs-d’œuvre, les trois panneaux de l’Ascension, du Jugement dernier et de La Pentecôte reflètent son prodigieux sens de la composition. La plénitude de la touche, le modelé subtil et raffiné des volumes et l’attention portée à la représentation humaine confèrent une profonde élégance à ses œuvres.  (Catalogue de l’exposition).

Fra Angelico, Triptyque du Jugement dernier, tempera sur bois, Inv. nn.395 - 396 – 397, 73 x 105 cm,
Galerie nationale du Palais Corsini, Rome <br /> © 2011. Photo Scala, Florence

Fra Angelico et les Maîtres de la lumière

Musée Jacquemart-André

- Jusqu'au 16 janvier 2012.

Pour en savoir plus

Musée Jacquemart-André

Le catalogue, de 240 pages est édité par le Musée Jacquemart-André et la maison d’édition Fonds Mercator. Cet ouvrage richement illustré propose une analyse détaillée de chacune des œuvres présentées dans l’exposition. En vente à la librairie-boutique du Musée Jacquemart-André au prix de 39 euros.

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