Après les séismes et tsunamis au Japon : analyse de nos faiblesses et de nos limites

Avec Rolando Armijo et Hélène Hébert. Une conférence du Bureau des longitudes

L’analyse scientifique du séisme et du tsunami qui ont touché le site de Fukushima au Japon prendra plusieurs années. Mais un constat peut être fait sur la sous-estimation des séismes dans cette zone géographique. Pourquoi ? Explications dans cette conférence du Bureau des longitudes. Rolando Armijo, sismologue et Hélène Hébert géophysicienne, détaillent les raisons de nos faiblesses dans la connaissance du plancher océanique et nos limites technologiques pour prévenir au maximum l’arrivée des tsunamis.

Premier constat par Rolando Armijo, sismologue à l’Institut de physique du globe de Paris : la centrale nucléaire de Fukushima été construite trop basse par rapport au niveau de la mer, se faisant submerger par une vague de 14 mètres. « Les constructeurs ont fait le choix de creuser dans le sol pour passer d’une hauteur de 30 à 10 mètres au dessus du niveau de la mer. Mais il faut souligner que la politique industrielle était cohérente avec le consensus scientifique de l’époque ». Car si on n’envisageait pas de séisme géant dans cette zone, c’est parce la rupture totale des plaques tectoniques était exclue par les chercheurs pour ce genre de faille. On envisageait tout au plus des vagues de 6 à 7 mètres.
« En fait, le spectre était beaucoup plus large que les chercheurs ne l’avaient modélisé. On a observé au final un déplacement de 30 à 40 mètres de la plaque du plancher océanique, alors qu’on pensait qu’elle ne pouvait pas bouger ».
Pour Rolando Armijo « les précédents séismes ont été sous-estimés sur le plan historique. Il est donc important de mieux explorer le passé géologique ».

Hélène Hébert est géophysicienne et spécialiste en simulation des tsunamis au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). « Il n’y a pas de scénario similaire au Japon, juste des inondations qui ont pénètré très loin dans les terres. Ici, c'est la première fois qu'un tsunami a été filmé au Japon ».
Les Japonais, habitués aux séismes, sont équipés pour prévenir la population des secousses ou de fortes inondations. « Ils ont mis en places des bouées GPS pour capter les tsunamis et pour prévenir la population dans l’heure qui suit. Avec 5 mètres d’amplitude à 1000 mètres des côtes, cela laissait supposer que le tsunami était majeur. Mais les marégraphes n’ont pas résisté à l’intensité de la vague. Même chose pour les murs et les digues ».
Pour une meilleure prévention des tsunamis, Hélène Hébert suggère de faire un bilan historique des tsunamis, de travailler à une modélisation des tsunamis avec plusieurs scénarios possibles, mais aussi redéfinir les contours de l’aménagement du territoire avec des zones non-constructibles.
Actuellement, les Japonais travaillent à la refonte complète de leur système d’alerte. « Leurs messages sont peut-être trop nombreux et finissent par être contre-productifs. Mais ils ont évité de faire 50 ou 100 000 victimes à Fukushima » rappelle l'intervenant.
Hélène Hébert insiste sur le caractère international des tsunamis. « Pour celui de Fukushima, on a observé aussi des vagues de 3 mètres aux îles Marquises et de 4 mètres au Chili ainsi que sur la côte nord-ouest des Etats-Unis ».
En France, un centre d’alerte au tsunami va ouvrir ses portes en 2012 au CEA, en lien avec le CNRS.

Tsunami à Fukushima au Japon en mars 2011

- Rolando Armijo est sismologue à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP).
- Hélène Hébert est géophysicienne et spécialiste en simulation des tsunamis au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

En savoir plus :

Cette conférence était organisée par Le Bureau des Longitudes. Retrouvez le programme des conférences mensuelles sur leur site internet.
- Pour connaître son histoire et son rôle, écoutez : Le Bureau des longitudes, quatre siècles au service de sciences de l’univers et de l’astronomie

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