Le concours des niches. Une chronique de François d’Orcival

De l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

En ces temps de rigueur François d’Orcival, de l’Académie des sciences morales et politiques, revient sur les niches fiscales, véritables trous financiers qui ont fait naître beaucoup de débats et de polémiques.

_ Le procès de la niche fiscale est devenu le comble de la justice sociale. À droite, on rabote ; à gauche, on tranche, et l’inspection des finances arbitre. Avant de juger, on aurait pu commencer par le dire : l’existence de 470 niches fiscales et de 68 niches sociales n’est que la traduction d’un excès d’impôts et de charges par rapport aux économies concurrentes. La niche est souvent le revers de la mauvaise gestion.
Exemple : l’impôt sur la fortune – qui fait fuir les capitaux familiaux de l’autre côté de la frontière ; la droite le corrige par une « niche », le bouclier fiscal ; la gauche crie ; on supprime le bouclier en réformant le barème de l’ISF, mais cela ne calme pas la gauche. Au contraire, Ségolène Royal réclame une loi fiscale rétroactive pour faire rembourser par leurs bénéficiaires les chèques reçus au titre du bouclier…
Autre exemple : les 35 heures. Ca coûte cher en salaires comme en productivité. La gauche soulage les entreprises par des réductions de charges. Mais les salariés y perdent en pouvoir d’achat. Que fait la droite ? Elle garde les 35 heures, prolonge les allègements de la gauche et exonère, en plus, les heures supplémentaires d’impôts et de charges. Dispositif (3 milliards par an) que Martine Aubry qualifie d’ « imbécillité », elle qui a fait voter les 35 heures (20 milliards de coût annuel) !

Pourquoi François Fillon continue-t-il donc à aider à travailler moins (35 heures) et à travailler plus (heures supplémentaires) ? Mais parce qu’il y a les inspecteurs des finances. Dans leur rapport sur les niches fiscales, ils ont examiné le cas de ces allègements de charges sur les bas salaires qui coûtent 22 milliards par an. Ils auraient permis de maintenir 800 000 emplois ; admettons, cela ferait un coût de 27 000 euros par emploi. C’est-à-dire l’équivalent du coût moyen d’un poste de fonctionnaire. Est-ce de la bonne gestion publique ? Alain Madelin se le demande : « Que penser d’un Etat qui, ayant forcé le salaire minimum au-dessus de son niveau économique compense cette augmentation artificielle par des baisses de charges pour les bas salaires et, constatant les effets désastreux d’une politique qui tire les salaires vers le bas, ajoute une prime pour l’emploi au profit des travailleurs pauvres ? »
Tout le monde devrait crier Gribouille ! Eh bien l’inspection des finances salue cette « niche » comme la plus « efficace ». On va donc continuer.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 3 septembre 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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