"Cessons de diaboliser le capitalisme ! "

Avec Pascal Salin, auteur de l’essai : Revenir au capitalisme, invité de Jean-Louis Chambon
Avec Jean-Louis Chambon
journaliste

Pascal Salin, professeur émérite à l’université Paris-Dauphine et spécialiste mondial de la finance publique, est ici invité à présenter son dernier ouvrage "Revenir au capitalisme". Au micro de Jean-Louis Chambon, ce "libéral complet" explique les causes d’une crise que l’on ne peut entièrement lier au système capitaliste.

Émission proposée par : Jean-Louis Chambon
Référence : pag903
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Professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine, auteur et chroniqueur de talent, philosophe et économiste d’inspiration libérale, Pascal Salin est l’un des grands spécialistes de la finance publique. Expert reconnu au niveau international, il a travaillé comme consultant pour le Service d’Etudes du Fonds Monétaire International (FMI) pour l’organisation des Nations Unies (FAO) et le Havard Institute.
Esprit libre, proche des thèses de Frédéric Bastiat, Ludwig Von Mises et Friedrich Hayek, Pascal Salin a pris position en faveur notamment des directions sur la libéralisation des services de l’Union Européenne et a reçu en hommage « Un mélange [[Publication collective en l’honneur d’un « grand maître », universitaire, auteur.]] » en son honneur rassemblant 41 contributions d’auteurs du monde entier dont le Prix Nobel, Gary Becker et d’éminentes personnalités dont Alain Madelin et Raymond Boudon, de l'Académie des sciences morales et politiques.
Sa dernière publication Revenir au capitalisme pour éviter les crises ne peut donc surprendre et s’inscrit dans la continuité de ses précédentes parutions La vérité sur la Monnaie (Odile Jacob 1990) et le Libéralisme (Odile Jacob).

Dans cette nouvelle parution Pascal Salin s’interroge sur l’origine de la crise en portant un regard de haut niveau empreint de ses exceptionnelles compétences au plan économique et philosophique.
Conséquence d’un manque d’éthique des banquiers ? Effet d’un esprit de lucre insensé, incitant à prendre trop de risques pour obtenir davantage de bonus ? Explications trop simplistes, réplique Pascal Salin. Produit d’une déréglementation excessive ? Faux, corrige t-il, plutôt produit de trop de mauvaises réglementations, de mauvaises politiques économiques et monétaires….et d’une insuffisance de capitalisme.
Une réponse bien étonnante à l'heure où l'on parle d'une victoire du keynésianisme et où l'on prône l'intervention des États pour sortir de la crise. Et pourtant, force est de constater que ce libéral, certes, mais avant tout spécialiste de la finance publique, n'a pas tout à fait tort. Arguments à l'appui, il va nous démontrer en quoi plus de libéralisme et moins de réglementation sont nécessaires pour sortir de nos déboires économiques.

Un manque d'épargne inquiétant

Base du libéralisme, l'épargne permet l'accumulation de ce capital si décrié. Ainsi sans épargne, pas de capital et sans capital, pas de croissance. Or, nous avons d'un côté des politiques fiscales qui «punissent» l'individu, l'empêchant d'épargner, et de l'autre, des autorités monétaires qui ne cessent de produire de la monnaie par le crédit ; ce même crédit qui nécessite préalablement de l'épargne. Ainsi nous sommes confronté à un système qui est déficitaire en épargne et excédentaire en crédit, et donc en monnaie. C'est le premier décalage à l'origine de la crise.
Jusqu'ici tout est limpide, qui eût cru qu'une crise financière et économique d'un telle ampleur pût reposer sur des principes aussi simples. Mais voyons la suite.

Des investissements insensés

Cette prolifération monétaire qui se fait au dépend de la stabilité économique a un second effet pervers : elle pousse à des investissements inconsidérés. Et cela n'est pas le fait du capitalisme. Celui-ci pousse certes à l'accumulation de capitaux, mais à une accumulation rationnelle, assurée.
Or il est loin le temps où le banquier capitaliste, sorte de Baron de Nucingen balzacien, régnait en maître sur les investissements de son établissement. Désormais ce dernier est aux mains de «techno-structures» qui visent le profit à court terme. Ainsi la haine du capitaliste bourgeois, réminiscence bien française du marxisme, n'a pas lieu d'être. Ne confondons plus actionnaires et banques (voire grandes entreprises).

Une réglementation étatique déstabilisatrice

Mais que fait l'État ? C'est toujours dans ces moments de crise que l'on se tourne vers notre léviathan politique, le suppliant d'intervenir pour rétablir l'ordre par la réglementation. Et pourtant, nous dit Pascal Salin, nous ferions mieux de nous passer de ces velléités interventionnistes.

- En effet, rappelons tout d'abord que les institutions financières mises en place par les Etats eux-mêmes sont des facteurs d'instabilité. Prenons pour exemple les banques centrales qui, de par leur rôle de «prêteurs en dernier ressort», sauvent certes des banques de la faillite mais, de ce fait, annulent les vertus bienfaitrices de cet élément régulant le marché. Qui plus est, avoir l'assurance d'être sauvé par l'intervention des banques centrales ne peut qu'entretenir le phénomène des investissements inconsidérés.

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Devons-nous dès lors réclamer l'intervention de l'État lui-même ? Rien n'est moins sûr, car la doctrine de Keynes envisageait la sortie de crise sans pour autant en analyser les causes. Dans l'état actuel des choses, une relance par la demande, ne peut passer que par l'augmentation des impôts ou de l'emprunt, par la dépense publique ou le déficit. Ce qui implique soit la baisse de l'épargne, soit un excédent monétaire; or ce sont exactement les causes de la crise. Qui pis est, « ce qui est immoral ce n’est pas le comportement des managers qui a conduit à la faillite et à la sanction des erreurs; ce qui est immoral c’est que l’État utilise un pouvoir de contrainte pour voler des ressources à des contribuables qui ne sont pas responsables des erreurs faites par les autorités publiques, les banquiers et les salariés ». Ainsi « l’État déplace des ressources et n’en crée pas de nouvelles, la création monétaire n’a d’effet qu’à court terme et pas sur le long terme », ce qui pourrait même nous conduire à une nouvelle catastrophe.

- Cantonnons donc l'État à une simple action de réglementation. Là encore Pascal Salin émet de fortes réserves. Le marché doit se réguler seul. Ce gimmick libéral prend tout son sens lorsque l'on sait que le marché est le creuset où investisseurs et entrepreneurs expérimentent, où ils voient ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas en tenant compte de situations particulières. Ce mécanisme très sain de sélection économique serait donc totalement entravé par l'intervention d'une autorité qui imposerait à tous les mêmes règles. La réglementation empêche la régulation. Un paradoxe qui n'en est pas un si l'on considère que nous avons tendance à faire de ces deux termes des synonymes, à tort. Pascal Salin, lui, explique au contraire que « La réglementation empêche la régulation, la déréglementation est le meilleur moyen de rendre possible l’autorégulation ».

Les solutions ?

Avant tout, tel un organisme convalescent, laissons le marché se remettre, retrouver ses propres règles, laissons faire l'autorégulation «vertu finale du capitalisme».
Ensuite face à la quantité impressionnante de monnaie créé par les crédits, il nous faut favoriser l'épargne pour retourner à l'équilibre. Cela pourrait se faire, entre autres, par le passage à la retraite par capitalisation, ou par une réforme fiscale. Là encore, le plus grand adversaire du marché c'est l'État, ou plutôt la sphère politique qui rechigne à mettre en place des réformes impopulaires mais salvatrices.
Enfin abolissons le monopole des agences de notations, qui dans leur volonté de satisfaire à la fois les investisseurs et les États, déstabilisent les règles du marché.

Comment terminer cette émission sans citer Turgot, maître à penser des libéraux français, avec sa célèbre maxime : «Laissez-faire. Laissez-aller». Ou plutôt «Laissez-nous faire» ironise Pascal Salin.

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