Xavier Darcos : Qu’est-ce que l’action culturelle à l’étranger ?

Une communication à l’Académie des sciences morales et politiques
Xavier DARCOS
Avec Xavier DARCOS de l’Académie française,
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Xavier Darcos préside le nouvel Institut français qui regroupe désormais l’ensemble des services qui oeuvraient pour la politique culturelle de la France à l’étranger. Il convient d’abord de clarifier le sens de cette action et de lui fixer un cap raisonnable, avec des missions et des projets réalistes compte tenu du contexte international. Voici la retransmission intégrale de sa communication devant l’Académie des sciences morales et politiques du lundi 7 mars 2011.

"Chacun de vous le sait par expérience, pour l’avoir observé ou pour y avoir participé : la France possède un immense réseau culturel, varié, ancien et presque sans équivalent. Et pourtant, si j’en juge par ma propre expérience, il faut reconnaître que se ressent souvent, parmi les acteurs de notre réseau culturel, une forme de lassitude. D’un certain point de vue, cette lassitude est facilement compréhensible : elle s’explique d’abord par le poids des questions matérielles qui touchent l’ensemble des services de l’Etat – restrictions budgétaires, rationalisation des services, puis regroupement au sein d’une agence unique, l’Institut français. Mais tout laisse à penser que ce sentiment d’abandon est plus profond, comme si la nouvelle donne internationale rendait obsolètes les méthodes de naguère et obligeant à reconsidérer l’ensemble de notre politique culturelle à l’étranger.

Derrière la lassitude, je lis surtout l’incertitude, le besoin de clarifier le sens de l’action culturelle française à l’étranger, de lui fixer un cap raisonnable. Car le monde dans lequel se déploient nos réseaux culturels n’est plus celui de ses fondateurs. Nous vivons à l’heure de la diversité infinie des échanges, de l’Internet, des bouquets télévisuels, de l’internationalisation de nos sociétés, de la facilité des déplacements. De même, l’instabilité des territoires concernés (pays émergents, Afrique francophone, Maghreb) fragilise nos stratégies. Nous en avons actuellement une évidente preuve dans le pourtour méditerranéen. Il nous faut donc nous interroger. Et nous demander : dans ce contexte nouveau, quelles missions devons-nous sauvegarder ? Sur quels projets nos efforts doivent-ils porter ? Quels buts pouvons-nous atteindre ?

A cette première question fondamentale s’ajoute aussitôt une seconde : que faire, face à la domination américaine, accentuée par les révolutions technologiques des deux dernières décennies ? Tout homme au monde semble avoir désormais deux cultures : la sienne et l’américaine. Très fortement ressentie dans nos réseaux culturels, qui y voit un combat de David et Goliath, cette situation oblige à cerner les effets de la mondialisation culturelle : se traduit-elle seulement par une uniformisation (en fait, par une américanisation), ou permet-elle malgré tout de préserver les diversités, en leur donnant les moyens de se faire connaître dans le monde entier ? Ce débat occupa l’Unesco, on s’en souvient. Les pays du Tiers Monde s’y engagèrent fortement et, finalement, seuls les États-Unis (et Israël) refusèrent de ratifier la convention sur la diversité culturelle. Mais la France est ici concernée au premier chef.

Ces débats ne cessent de donner lieu à de nombreuses publications. L’une d’entre elle a peut-être attiré votre attention : je pense au livre récent d’Olivier Poivre d’Arvor, Bug made in France Ou l’histoire d’une capitulation culturelle .Le sous-titre est étonnant : l’auteur, directeur de Cultures-France pendant les dix dernières années, est bien placé pour expliquer la politique menée, peut-être moins pour la critiquer. En gros, la France serait incapable de résister à l’américanisation culturelle parce qu’elle est victime d’un nouvel épisode de la Querelle des Anciens et des Modernes : d’un côté, une conception purement muséale de la culture française ; de l’autre, la vraie flamme créatrice, sans cesse ravivée par l’invocation incantatoire à l’âge d’or mitterrandien.

Il me semble que la réalité est plus subtile – et au fond moins politicienne : il est insensé de vouloir choisir entre le patrimoine et la création lorsqu’on doit penser globalement la place de la culture française dans le monde. Soixante millions de visiteurs viennent chaque année en France, et d’abord pour son rayonnement culturel : ils n’ont besoin de personne pour y être motivés, mais le fait que l’art français fasse l’objet de plus d’expositions qu’aucun autre pays dans le monde y est peut-être pour quelque chose. Là est notre rôle. De même, les créateurs, les artistes et les professionnels de la culture agissent internationalement, se rencontrent partout, et ils n’attendent pas forcément tout de nos centres culturels. Mais ils sont heureux qu’un attaché culturel leur ait, un jour, donné de bons conseils pour débuter dans un pays étranger. C’est aussi notre rôle.

Pour ordonner notre réflexion, il convient d’abord de réfléchir à notre héritage, puis à quelques grands enjeux actuels, et enfin à l’évolution des outils dont notre pays doit disposer.

Lire la suite et l'intégralité de cette communication sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques : www.asmp.fr

A écouter aussi :

- Xavier Darcos : une politique pour la culture française à l’étranger, une interview réalisée par Damien Le Guay
- L’essentiel avec... Xavier Darcos, de l’Académie des sciences morales et politiques, un entretien avec Jacques Paugam

Xavier Darcos, né le 14 juillet 1947 à Limoges (Haute-Vienne), est un universitaire, un haut fonctionnaire de l'Éducation nationale et un homme politique français.
Ancien maire de Périgueux et sénateur de la Dordogne, il a été ministre délégué à l'Enseignement scolaire (2002-2004), puis au Développement, à la Coopération et à la Francophonie (2004-2005). Xavier Darcos est ensuite ministre de l'Éducation nationale de 2007 à 2009, puis ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville de 2009 à 2010.
Le 9 juin 2010, il est nommé en Conseil des ministres, ambassadeur, chargé de mission pour l'action culturelle extérieure de la France. Il est parallèlement élu en octobre 2010 secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques.

En savoir plus:

- Retrouvez Xavier Darcos sur Canal Académie.

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