L’étrange aventure historico-policière du chef d’Henri IV

racontée par Jean-Pierre Babelon, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
Avec Anne Jouffroy
journaliste

La commémoration du quadricentenaire de la mort d’Henri IV a été marquée par un coup de théâtre : la découverte de la tête du Vert-Galant ! S’agit-il vraiment du crâne du premier roi Bourbon ? Une polémique est amorcée. Jean-Pierre Babelon, spécialiste d’Henri IV et membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres, aurait-il élucidé le mystère de la tête du Bon Roi Henri ? La piste est tracée. Peut-on la suivre ?

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : hist693
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« Les journalistes Stéphane Gabet et Pierre Belet, et le médecin légiste et paléopathologiste Philippe Charlier m’ont aidé à tenter de résoudre cette énigme historico-policière. Nous avons mené une enquête passionnante qui nous a conduits à authentifier ce crâne comme étant celui d’Henri IV, avec une probabilité de 99,99%. » dit Jean Pierre Babelon.
Tout commence en 1793, au plus fort de la terreur révolutionnaire.

L’exhumation des corps des rois et la Révolution française

Le samedi 12 octobre 1793, accompagnés d’un « commissaire au plomb », des ouvriers descendirent dans la crypte de la basilique Saint-Denis dans un double but : à la fois récupérer le plomb des cercueils royaux et profaner les dépouilles des rois exécrés. Le premier cercueil ouvert fut celui d’Henri IV. « Le corps bien conservé était fort reconnaissable, chacun eut la liberté de le contempler pendant quelques jours » ont écrit des témoins. Le Béarnais fut poignardé, certes, par Ravaillac en 1610 mais il aurait eu, aussi, la tête tranchée dans le caveau Bourbon de Saint-Denis, au cours des journées de la mi-octobre 1793. Dès lors, le chef royal fut vendu entre particuliers passionnés de reliques princières. En 1919, Joseph Emile Bourdais, photographe à Montmartre, l’achèta aux enchères de Drouot. Á sa mort, en 1947, sa sœur en hérita et la proposa, en vain, au musée du Louvre. Depuis, la relique avait disparu.

Précieusement conservée dans une boîte depuis 1955

« Nous l’avons retrouvée soixante ans plus tard, en 2008, grâce à une série de concordances tout à fait curieuses, poursuit Jean Pierre Babelon. J’accumule, chez moi à Montmartre, toutes sortes de lettres sur Henri IV. En 2008, Stéphane Gabet et Pierre Belet sont venus me voir pour tourner un documentaire. En farfouillant, ils sont tombés sur la lettre d’un vieux couple, les Bellanger, qui me demandaient des renseignements très vagues en me laissant juste leur adresse. »
Mr et Mme Bellanger, une fois le contact établi, avouèrent qu’ils rêvaient dans le plus grand secret de percer le mystère de cette tête, achetée à la sœur de Bourdais en 1955.
L’expertise scientifique et médicale commença dirigée par Philippe Charlier. L’équipe de chercheurs retrouva les caractéristiques connues du visage du roi.

Des preuves multiples et convergentes

Des détails troublants s’accumulèrent :
Trace de barbe et de moustache aux poils roux et blancs, tache sombre sur le nez, oreille droite percée, cicatrice sur la lèvre supérieure, molécules de plomb -dont était tapissé l’intérieur du cercueil royal-, un grand front, un gros nez et un menton carré. Le carbone 14 prouva que l’individu était décédé entre les années 1450 et 1650.

Deux obstacles paraissent s’opposer à la validation

L’impossibilité de détecter une signature génétique d’une part, et la constatation que la calotte crânienne n’avait pas été sciée « à la française » lors de l’embaumement d’autre part, entretiennent des mystères. Jean-Pierre Babelon donne des explications scientifiques et historiques :
- Les génomes trop segmentés, trop pollués pour être exploités, expliquent l’absence de résultats ADN.
- Henri IV fut, sans doute, embaumé « avec l’art des Italiens » comme l’écrit Alphonse de Lamartine dans son « Histoire des Girondins » en 1847 : sans prélèvement de la cervelle, donc sans trépanation ni perforation. Marie de Médicis aurait demandé que son époux soit embaumé selon les méthodes toscanes.
Des recherches à la fin de l’année 2010 en Italie soutiennent, avec des arguments précis, cette hypothèse.
- Mises bout à bout, trente preuves scientifiques permettent d’affirmer à 99,99% qu’il s’agit bien de la tête d’Henri IV.

Selon les vœux de Mr et Mme Bellanger, la momie de la tête du Bon Roi Henri sera remise au descendant direct du Béarnais, le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou.
Elle sera inhumée, dit-il, à Saint Denis.

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