Présomption allemande. Une chronique de François d’Orcival

de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

La suprématie de l’Allemagne en Europe est-elle infléchissable ? L’académicien journaliste François d’Orcival, reprend ici, au micro de Canal Académie, la chronique qu’il donne, le samedi, dans Le Figaro Magazine.

Qualité allemande, fiabilité allemande, technologie allemande… La campagne de publicité pour un constructeur automobile diffusée en langue allemande sur les écrans français (« Pas besoin de comprendre l’allemand pour comprendre que cette voiture est allemande ») n’est peut-être qu’un signe parmi d’autres : la suprématie de l’Allemagne en Europe n’hésite plus à s’afficher. Le sort de l’euro est entre ses mains. Le redressement de ses comptes publics, son taux de croissance en 2010 (deux à trois fois plus rapide que le nôtre), le volume de ses excédents commerciaux, plaident en sa faveur. Elle devrait pourtant se méfier.

Avant de quitter Berlin, l’ambassadeur de France en Allemagne, Bernard de Montferrand, a mobilisé ses équipes pour réaliser une comparaison des deux pays, laquelle devrait servir de base à ce que le président de la République attend pour arrêter sa politique de convergence fiscale avec l’Allemagne. « Pas aussi cigale qu’on le dit, résume ce rapport, pas aussi fourmi qu’elle le croit ». On a compris que la France était la cigale et l’Allemagne, la fourmi de la fable.

Ce qui soutient la présomption allemande, c’est son industrie. Avantage indiscutable : l’industrie représente le quart du Pib allemand et seulement 15% du nôtre. Elle assure aux Allemands 9% de parts du marché mondial contre un petit 3,8% pour les Français. Facteurs majeurs de la compétitivité allemande : en dix ans, les salaires y ont augmenté de 2,5% tandis qu’en France, ils ont crû (merci les 35 heures) de 17,5% ; d’autre part, les prélèvements obligatoires, fiscaux et sociaux, atteignent 53% du Pib en France contre 43% en Allemagne. Dix points d’écart en notre défaveur, 200 milliards d’euros ! Cherchez l’erreur.

Il y a pourtant un sérieux bémol. Malgré une population supérieure à la nôtre (82 millions d’âmes contre 65), l’Allemagne compte chaque année 200 000 naissances de moins que la France. Sa pyramide des âges n’est plus une pyramide mais un tronc. Certes, cela signifie moins de dépenses d’éducation et de prestations sociales, et plus d’actifs. Mais à terme, ce peut être tragique : les plus de 65 ans sont déjà 20%, nettement plus nombreux que les moins de 15 ans ; en France, au contraire, les jeunes restent plus nombreux que les seniors (16,6%). Or l’avenir de la croissance repose sur la jeunesse. Cette vieille loi devrait faire réfléchir nos voisins.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 19 février 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire.

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