L’Aurore du marquis de Courtenvaux, arrière-petit-fils de Louvois...

Aventures d’un marin de l’Académie des sciences... une chronique de Bertrand Galimard Flavigny

La vie du marquis de Courtenvaux est un vrai roman ! D’aventures en inventions, ce membre de l’Académie des sciences atteint la consécration avec "Le Journal du voyage de Mr le marquis de Courtanvaux sur la frégate l’Aurore"... Une histoire racontée par Bertrand Galimard Flavigny dans sa chronique Le bibliologue.

Émission proposée par : Bertrand Galimard Flavigny
Référence : pag845
Télécharger l’émission (4.8 Mo)

François-César Le Tellier, marquis de Courtanvaux, comte de Tonnerre, duc de Doudeauville (1718-1781) était l’arrière-petit-fils de Louvois. Comme tous les jeunes aristocrates contemporains, il débuta sa carrière dans les armes et suivit sa première campagne en 1733, à l’âge de quinze ans, comme aide de camp du maréchal de Noailles, son oncle. Puis il acquit, en 1740, la charge de capitaine-colonel des Cent-Suisse avec lesquels il servit en Bohême et en Bavière. Son état de santé ne lui permit de poursuivre dans cette voie. Il se tourna vers les sciences et surtout la mécanique et l’astronomie. Pendant ce temps, son fils, Charles-François Le Tellier, marquis de Montmirail qu’il avait eu à l’âge de seize ans, de son mariage avec Louise-Antoinette de Gontaut, fille du duc de Biron, lui aussi passionné par les sciences, entrait à l’Académie du même nom. Las, ce dernier mourut en 1764, à l’âge de 30 ans et l’Académie demanda à Courtanvaux de lui succéder. Il s’était déjà fait connaître par deux mémoires, l’un consacré à l’éther marin, l’autre sur la concentration et l’inflammation du vinaigre radical.

Julien Le Roy, né à Tours en 1686, mort à Paris en 1759, est un scientifique français, horloger du roi Louis XV

L’Académie avait lancé, en 1767, un concours pour la construction d’une montre marine. Le Roy, horloger du roi, proposa deux montres ; le lieutenant de Charnière, un mégamètre ; F. Berthoud, une pendule astronomique ; Langlois, deux quarts de cercle ; Calvinet, un instrument de passage ; Hadley un octant ; et l’on comptait aussi deux boussoles et deux baromètres. Ce n’était pas le tout de mettre au point des instruments scientifiques, encore convenait-il de les essayer sur le terrain. Courtanvaux fut chargé par l’Académie de tous les éprouver à la mer. Notre homme prit naturellement les frais de l’expédition à sa charge et mit en chantier chez Bonvoisin, au Havre, sous le contrôle de Nicolas Ozanne, une petite et élégante frégate qu’il baptisa du nom de L’Aurore. Ce bâtiment richement décoré devait être une sorte d’ambassadeur de la France auprès des pays visités. Elle parcourut, en trois mois, les côtes françaises, celles des Flandres et de la Hollande. Ce ne fut pas une campagne de tout repos ; afin d’éprouver les instruments de marine, on navigua au plus près en essuyant des coups de vents assez violents ; on effectuait également de fréquentes relâches afin de vérifier la régularité de leur marche. Ceci dura trois mois ; ce furent les montres de Le Roy qui démontrèrent leur qualité et furent primées par l’Académie en 1769.

On ne pouvait pas en rester là, après une telle expérience et de telles aventures. Alexandre-Gui Pingré (1711-1796) astronome et géographe du roi et, par ailleurs, ecclésiastique, bibliothécaire de l’abbaye de Sainte-Geneviève, fut chargé par l’Académie des Sciences de mettre au propre les notes prises au cours de l’expédition de L’Aurore.

Il s’adjoignit l’astronome Charles Messier (1730-1817), autre membre de l’expédition, pour rédiger un ouvrage qui parut sous le titre complet de Journal du voyage de Mr le marquis de Courtanvaux sur la frégate l’Aurore pour essayer (en mer) plusieurs instrumens relatifs à la longitude, mis en ordre par Mr Pingré, chanoine régulier de Sainte Geneviève, nommé par l’Académie pour coopérer à la vérification desdits instrumens, de concert avec Mr Messier, astronome de la Marine. (A Paris, Imprimerie royale, 1768, in-4). Nous en avons eu entre les mains un exemplaire présenté par la librairie Thomas Scheler. Il était relié en plein maroquin rouge aux armes de Louis-Auguste, duc de Berry, Dauphin de France, le futur Louis XVI. Nous connaissons un autre exemplaire, relié en plein veau moucheté aux armes du comte d’Eu (1701-1775), fils du duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV (1). Cet ouvrage comprenant 249 feuillets, est orné, en tête, d’une carte gravé de la Manche (314x205 mm) « où l’on a tracé la route qu’a parcourue la frégate l’Aurore… », dressée par le Sr Messier que nous venons de nommer.

Ce n’est pas tout ; Courtanvaux qui n’avait jamais navigué auparavant, prit goût au pilotage et souhaitant perpétuer le souvenir de L'Aurore, il en fit exécuter un modèle qui fut construit entre 1767 et 1769 à l'échelle de 1/12ème (un pouce pour un pied). On peut l'admirer aujourd'hui dans le hall de la bibliothèque Sainte Geneviève à Paris. Quant à la frégate elle-même, elle fut vendue au Roi, mais on ignore ce qu’il en est advenu.

Texte de Bertrand Galimard Flavigny

En savoir plus :

- Il existe une monographie de l'Aurore - par Gérard Delacroix aux Editions Ancre (c/o H. Berti à Nice), 132 p. 102 ill. dont 29 en couleurs, 16 pl. 87 €. (hb@ancre.fr )

(1) il a été adjugé 1.300 €, à Drouot, le 23 juin 2010, par la svv Thierry de Maigret, assisté par Emmanuel de Broglie.

Cela peut vous intéresser