La Fête de la Fédération : ce 14 juillet 1790 que notre fête nationale commémore chaque année

Avec Georges-Henri Soutou, de l’Académie des Sciences morales et politiques
Avec Anne Jouffroy
journaliste

Georges-Henri Soutou, de l’Académie des Sciences morales et politiques, nous évoque l’histoire du 14 juillet 1790. Une date historique : souvenir et symbole de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 et « journée fête nationale annuelle » de la République française depuis 1880.

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : hist615
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La Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 marqua le point culminant d’un mouvement commencé depuis quelques mois dans les différentes provinces du pays. C'est un intense moment d'unité nationale dont l'écho résonna au-delà de nos frontières.
Les municipalités et les gardes nationaux, de proche en proche, décidèrent de se « fédérer », afin d’accompagner la transformation du pays et de suppléer au délitement des structures de l’Ancien Régime. Un premier grand rassemblement, pour tout le sud-est, avait eu lieu à Lyon le 31 mai 1790.

La Fête de la Fédération (par Charles Thévenin, 1764-1836)

Le 14 juillet 1790 le rassemblement se fit à Paris, au Champ de Mars, en présence du Roi et de l’Assemblée, de délégations de fédérés venues des différentes provinces, avec de nombreux gardes nationaux, et une forte participation militaire. Une procession de 50.000 Fédérés et 300.000 personnes -dit-on- venue de la Bastille en passant par les Tuileries s'installa devant l’Ėcole militaire.
Tout le monde prêta serment au roi, à la loi et à la nation et une messe fut célébrée par Talleyrand, évêque d’Autun.
Ce fut un grand moment d’enthousiasme dans cette première phase non-violente de la Révolution. N’était-ce qu’un mouvement éphémère ? Marquait-il le zénith et le début de la fin des « années heureuses » de la Révolution ? La fraternité serait-elle née ce jour-là ?

Ce mouvement fédérateur présenta, ce jour-là, une face lumineuse et fraternelle de la Révolution en marche. Il souhaita offrir une dimension religieuse, solennelle et pure à la nouvelle société mise en place depuis un an en organisant cette grande procession des délégations des nouveaux départements français et aussi des délégations étrangères qui le souhaitaient. La fraternité révolutionnaire s’adressa à tous « les citoyens du monde ».
Depuis l’abolition des titres de noblesse le 19 juin 1790, le royaume de France était devenu une société d’individus aux droits égaux : c’est ce que traduisit le terme « citoyen » dont la Révolution fit un si grand usage comme pour effacer définitivement le monde des titres et des rangs.

Le Serment de La Fayette (école française)

Le roi, la reine et l'Assemblée étaient inquiets. Les souverains, depuis la prise de la Bastille l'année précédente, se défiaient de la spontanéité révolutionnaire. L’Assemblée, quant à elle, craignait un mouvement incontrôlé qui eut permis aux éléments antirévolutionnaires de réagir.
En fait tout le monde s'en remit à Lafayette, le Commandant de la garde nationale. Ce héros des deux- mondes, aristocrate aux idées avancées, révélateur et symbole de la noblesse libérale et de ses illusions perdues fut le pivot de la cérémonie.
Talleyrand, maître de la cérémonie religieuse, concélébra avec une centaine de prêtres la « Sainte fraternité » et cautionna, ainsi, le nouveau rite collectif de la Nation du serment d'honneur démocratisé. Ce fut un événement majeur de la vie politique française au XVIIIe siècle suivi avec un grand intérêt par l’Empire germanique, les réseaux franco-américains et la Grande Bretagne.

Cette cérémonie, entre fêtes de l’ancienne monarchie et les futures fêtes républicaines, fut plus qu’une cérémonie. Mona Ozouf et le regretté François Furet ont évoqué sa religiosité, sa dimension « métapolitique ».
La Révolution sembla terminée le 14 juillet 1790… Fête d’une égalité nouvelle, soit! Mais égalité si fragile et si abstraite qu'avec le recul du temps nous savons que ce fut l’histoire de la société bourgeoise qui commença et non celle du paradis fraternel.

En savoir plus :

La fiche de Georges-Henri Soutou sur le site de l'Académie

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