Donogoo ou l’escroquerie selon Jules Romains, de l’Académie française

avec Jean-Paul Tribout, metteur en scène, invité de Jacques Paugam
Avec Jacques Paugam
journaliste

Dernière grande pièce de Jules Romains, Donogoo, comédie pessimiste, raconte une escroquerie immobilière avec des termes bien actuels ! Le comédien et metteur en scène Jean-Paul Tribout a incarné l’un des personnages. Il est ici l’invité de Jacques Paugam pour évoquer cette œuvre, moins connue que Knock mais tout aussi satirique ! L’occasion d’évoquer une grande figure de l’Académie française.

Émission proposée par : Jacques Paugam
Référence : carr648
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Jules Romains, élu à l'Académie française en 1946 (c'est Jean d'Ormesson qui lui succéda et prononça son éloge), célèbre pour sa fresque Les hommes de bonne volonté et son roman Les copains a également beaucoup écrit pour le théâtre au point que, dans les années 20, il était l'un des auteurs les plus joués dans le monde. Et si Knock est sa pièce la plus fameuse (interprétée par Louis Jouvet en 1923, remontée plus tard par Jean-Laurent Cochet), il faudrait citer aussi Volpone, Monsieur le Trouhadec saisi par la débauche et plusieurs autres encore.

Donogoo

Donogoo compte parmi ces grandes pièces ; elle fut créée en 1930 dans une mise en scène de Louis Jouvet et rapidement, les deux principaux personnages devinrent célèbres : Lamendin, architecte raté mais qui montre des dons d'intelligence dans le montage d'une escroquerie et Marcageat, banquier sans scrupules qui profite de celle-ci. Une satire où les "méchants" tirent leur épingle du jeu et qui montre qu'en vérité, il faut parfois bien peu de choses pour éveiller chez chacun la cupidité, et chez tout le monde, la naïveté. Une vision pessimiste du genre humain assez familière à Jules Romains. À noter d'ailleurs que le personnage architecte qui a fait les "Beaux-Arts" et qui finit dictateur n'est pas sans rappeler le profil d'un certain Hitler mais... Jules Romains a écrit la pièce en 1930 alors que le dit dictateur n'accède au pouvoir qu'en 1933. Un côté prophétique chez Jules Romains ? Sans doute ...

L'invité de Jacques Paugam, Jean-Paul Tribout, (80 rôles, l'un des principaux interprètes de La brigade du Tigre, ayant débuté au TNP de Jean Vilar...) nous donne dans cette interview l'occasion de découvrir de nombreux aspects de la vie et de l'œuvre de Jules Romains. Il affirme d'ailleurs lorsqu'il a mis en scène Donogoo en 2009 : "J'ai beaucoup coupé dans le texte de cette pièce, au moins deux heures, et j'ai réduit le nombre de comédiens, passant de 45 prévus à 8 ! mais il n'y a pas un mot qui ne soit de lui, les allusions au Crédit Lyonnais et à la Société Générale sont dans le texte, de même que l'allusion à une femme voilée".

Aussi le texte de Donogoo a-t-il gardé toute sa vivacité. Et comme il avait été envisagé d'en faire un film muet, il était déjà découpé par séquences. Ce qui le rend proche d'une bande dessinée et lui confère un ton très actuel. Même si l'on peut se demander, et notre invité le fait, si Jules Romains n'est pas un auteur représentatif d'un théâtre "Troisième République" (par rapport à Guitry ? à Courteline ?). Il insiste sur la qualité littéraire de l'écriture de Jules Romains, dans une langue simple, bien écrite, sans mots d'auteur trop nombreux. Ses personnages sont, certes, archétypiques, mais les scènes sont rapides et bien troussées.

Jules Romains, de son vrai nom Louis Henri Jean Farigoule

Jean-Paul Tribout explique aussi, - et comment pourrait-il l'éviter en parlant de Jules Romains ? -, ce qu'il faut comprendre par "l'unanimisme", que Jules Romains avait d'abord appliqué à sa poésie et qui, au théâtre aussi, donne plus d'importance au groupe qu'à l'individu.
Le groupe peut être porteur de positif (les canulars par exemple) comme de négatif (la manipulation). Le groupe joue donc un rôle clé dans l'œuvre de Jules Romains.

Notre invité rappelle plusieurs éléments essentiels du parcours de Jules Romains : véritable enfant de l'école Jules Ferry, pacifiste jusqu'en 1939, exilé aux États-Unis mais actif pendant la guerre contre le régime nazi. Il voyait en effet la propagande manipulant les groupes, le viol des foules, tout ce qu'il avait dénoncé dans ses œuvres détourner son rêve d'un monde meilleur.

Par son expérience personnelle, Jean-Paul Tribout, qui a commencé à jouer dans les années 60, époque du théâtre dit "absurde" avec Beckett, Ionesco, etc), peut aujourd'hui porter un regard sur toute une époque du théâtre en France et comprendre pourquoi un auteur comme Jules Romains - mais il ne fut pas le seul (Labiche, et Guitry, et Anouilh et Vaillant et d'autres) - fut finalement mis de côté : "Son théâtre, hérité des Lumières, est entré au Purgatoire, et il est désolant de constater que son œuvre pourrait disparaître de la conscience contemporaine".

Jean-Paul Tribout

Et comment Jean-Paul Tribout pourrait-il parler du théâtre, de la comédie, de la mise en scène, bref de tout son travail quotidien, sans dire le plaisir qu'il en éprouve ? Il nous le fait ici partager.

Fidèle à sa manière de faire, Jacques Paugam a puisé dans l'œuvre de Jules Romains, une jolie phrase qu'il offre aux auditeurs :
- Trois copains qui s'avancent sur une ligne n'ont besoin ni de la nature ni des dieux...

Consulter la fiche de Jules Romains sur le site de l'Académie française :
www.academie-francaise.fr

En savoir plus :


- Cette émission fait partie de la série "Grands comédiens et patrimoine théâtral" sur Canal Académie.

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