Rupture et valentin

Mot pour mot, la rubrique de Jean Pruvost
Avec Jean Pruvost
journaliste

N’y voyez pas de cause à effet mais apprenez l’étymologie des deux mots rupture et valentin traités dans cette émission par notre lexicologue Jean Pruvost. Avec lui, tous les mots ont une histoire !

Émission proposée par : Jean Pruvost
Référence : mots514
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Le rupteur, le ruptoire et la rupture !

Dans son Dictionnaire universel (1690), Furetière fit précéder l’article rupture du ruptoire, la pointe chauffée au rouge, le cautère, qu’on appliquait « sur les piqûres des bêtes venimeuses, aux bubons vénériens et pestiférés, pour faire évacuation, dérivation ». Ainsi introduite, la rupture pouvait bénéficier de ses sens propre et figuré.
Les exemples proposés alors pour chaque sens ne manquent pas d’un certain charme contemporain. Pour le premier : « On a eu permission d’entrer en ce château par bris et ruptures de portes ». Diable ! Signalons au passage que le château pouvait déjà désigner la partie supérieure d’un navire tout comme on bâtissait des châteaux en Espagne et même en Asie.

Quant au second exemple, nous voilà encore en terrain politique : « Il y a danger de rupture entre les deux couronnes » ! Deux prétendants pour un même trône, c’est assurément risqué, surtout s’il y a une « étincelle de rupture », grâce au rupteur, parfaite anagramme de rupture.
Quand on apprit la rupture entre Jean Gabin et Marlène Dietrich, la question fut forcément posée. Pourquoi ? « Que voulez vous, répondit Gabin, je n’aime pas la cuisine américaine... ». Pas de négociation possible !

Valentins et valentines sur papier valentine

Il était une fois un saint originaire de Valence, saint Valentinus. Cette belle histoire d’amour commencerait bien s’il n’y avait treize autres saints, également appelés Valentin. Il est vrai que l’étymologie du mot, « valens », vigoureux, poussait à la concurrence. Quel saint eut alors le privilège d’incarner la fête des amoureux ? Ce fut saint Valentin de Valence parce qu’on le fête le 14 février et que la tradition décida que les petits oiseaux s’accouplaient à partir de cette date...
Ce joli symbole fit dès le XVe s. désigner les amoureux par valentins et valentines. On appelait aussi « valentin » le marchand de ces petits cadeaux que le galant se doit d’offrir à sa bien-aimée. On institua jusqu’au XIXe s. la semaine des valentines où il fallait oser : on envoyait donc des valentines, c’est-à-dire des « lettres que les jeunes gens, en Angleterre, écrivent aux jeunes filles le 14 février », rappelle Pierre Larousse. Mais les mots doux méritent le plus beau papier, il fallut donc un « papier valentine ». Oserions-nous cependant exprimer un regret : le saint invoqué protège contre la peste, c’est bienvenu, mais aussi contre l’évanouissement. Comment donc alors se pâmer d’amour ?

Jean Pruvost est professeur des universités à l’Université de Cergy-Pontoise, où il enseigne la linguistique et notamment la lexicologie et la lexicographie. Il y dirige aussi un laboratoire CNRS/Université de Cergy-Pontoise (Métadif, UMR 8127) consacré aux dictionnaires et à leur histoire.

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