« L’étrange beauté des mathématiques »

Avec David Ruelle, membre de l'Académie des sciences
David RUELLE
Avec David RUELLE
Membre de l'Académie des sciences

Dans L’étrange beauté des mathématiques, David Ruelle s’est intéressé au rapport, parfois passionnel, que l’homme entretient avec les mathématiques depuis Newton. Tour d’horizon en compagnie de l’auteur, physicien et membre de l'Académie des sciences.

Ce qui importe, explique David Ruelle « ce n'est pas de maîtriser cette science en profondeur que sont les mathématiques, mais de comprendre comment l'esprit humain, et plus particulièrement le cerveau du mathématicien, se mesure à la réalité mathématique ».
Parmi les hommes qui eurent un rapport original avec les mathématiques, on retrouve celui d’Isaac Newton. Si celui-ci à contribué à la création du calcul différentiel et intégral, de la mécanique et de l’optique, il a parallèlement travaillé à la corrélation entre l’histoire et la prophétie de l’Ancien Testament.

Isaac Newton  (1643–1727)

Newton mélangeait-il les genres ? Non ! « Ce que nous voyons désormais comme la route bien tracée de la science, était à l’époque, une voie obscure parmi d’autres, qui probablement ne menait nulle part » explique David Ruelle. C’est la raison pour laquelle ces recherches étaient classées sous le même angle.
Si aujourd’hui la gravitation universelle et le calcul infinitésimal semblent évidents pour nous, cela ne nous rend pour autant plus intelligent que ne l’était Newton à son époque !

Les hommes sont-ils les créateurs des mathématiques ?

Sur cette question, deux points de vue s’affrontent :
- le point de vue des platoniciens pour qui les mathématiques existent en elles-mêmes, avant que l’homme ne les découvre.
- l’autre point de vue auquel adhère David Ruelle, consiste à admettre l’existence d’une réalité mathématique, mais ce que nous voyons est fortement influencé par la nature du cerveau humain.

Dans ce sens, David Ruelle ne partage pas totalement la citation de Galilée qui dit que « la nature est un grand livre écrit en langue mathématique ».
« Je ne pense pas que la nature s’exprime en langue mathématique ; ce sont les observateurs, les savants qui observent la nature et qui traduisent en langage mathématique ce qu’ils voient » explique le scientifique.

Au cours de cette émission David Ruelle revient également sur la formation du groupe Nicolas Bourbaki où neuf jeunes mathématiciens sortant de l’ENS, décidèrent en 1935 de prendre les mathématiques à leurs débuts pour donner des démonstrations complètes.
David Ruelle explique avec humour comment selon lui, le groupe devint malgré lui petit à petit « sénile et tyrannique » !

Alexandre Grothendieck, en mai 1998
© Erika Ifang

Une rencontre a marqué la vie de David Ruelle, celle d’Alexandre Grothendieck. Ce personnage au caractère bien trempé est « un mathématicien naturel ». Remarqué par Laurent Schwartz, il est reconnu à un moment où les mathématiques sont fécondes en France. Mais dans les années 1970, Alexandre Grothendieck quitte l’Institut des hautes études scientifiques, et déclare qu’il arrête les mathématiques. Il exerce quelques années comme professeur à Montpellier mais finit par vivre de plus en plus retiré dans les Pyrénées.

Les mathématiciens de haut niveau, à l’image d’Alexandre Grothendieck, ont un rapport passionnel avec leur discipline ; une passion qui diffère d’une personnalité à une autre.

En ce sens, pourquoi beaucoup de mathématiciens semblent peu enclin à la communication ?
« Si vous êtes intelligents et que vous avez des difficultés à communiquer, il est normal que vous vous tourniez vers les maths, l’informatique » explique David Ruelle. Mais les mathématiques agissent également certainement sur le cerveau et sur le comportement : « De manière consciente ou inconsciente, le cerveau ne cesse de fonctionner, rendant certains matheux “distraits” à la manière des poètes » selon David Ruelle.

Pour s’aider, certains consomment du tabac, pour accroître leur concentration. D’autres consomment de l’alcool pour au contraire ralentir leur cerveau et éviter les erreurs de précipitations !

Mais malgré toute leur bonne volonté, les mathématiciens ont du souci à se faire : la concurrence de l’ordinateur est de plus en plus proche. Utilisé comme outil, l’ordinateur pourrait bien dépasser « le maître », la fiction rejoignant la réalité.
« Si notre supériorité est écrasante dans le domaine de la création mathématique, vous serez sans doute d’accord pour admettre que la manière dont nous attaquons les problèmes nous est propre » conclue David Ruelle.

David Ruelle est membre de l'Académie des sciences et professeur émérite de physique théorique à l'Institut des hautes études scientifiques de Bures-sur-Yvette. Ses travaux en physique mathématique, sur la théorie du chaos et sur les systèmes dynamiques lui ont valu une notoriété internationale.

En savoir plus

IHES, Institut des hautes études scientifiques
David Ruelle, membre de l'Académie des sciences

David Ruelle, L'étrange beauté des mathématiques, éditions Odile Jacob, 2008
David Ruelle est également l'auteur de Hasard et Chaos, éditions Odile Jacob, 1991

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