Coup d’Etat à l’Elysée par Alain Decaux

Le célèbre historien, de l’Académie française, racconte le 2 décembre 1851
Avec Laëtitia de Witt
journaliste

Alain Decaux se penche sur le coup d’Etat du 2 décembre 1851. Pourquoi était-il inévitable ? Comment Louis-Napoléon Bonaparte s’y prépara-t-il ? Quels en furent les acteurs principaux ? Avec les talents de conteur qu’on lui connaît, il revient sur cet épisode délicat de notre histoire.

Émission proposée par : Laëtitia de Witt
Référence : pag546
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Sur la route du pouvoir

La chute de Louis-Philippe en février 1848 permet au prétendant impérial, Louis-Napoléon Bonaparte, de retourner en France. Pressentant que son heure n’est pas encore arrivée, il repart en Angleterre et refuse de se présenter aux élections à l’Assemblée constituante d’avril. C’est un de ses proches, Persigny, qui décide malgré tout de poser sa candidature aux élections partielles de juin. Louis-Napoléon Bonaparte est aussitôt élu dans quatre départements. Encore en Angleterre lors des journées sanglantes de juin, il estime qu’il est temps pour lui de rentrer. En septembre, de nouvelles élections partielles lui permettent d’être élu par cinq autres départements. Le 26 septembre, il siège à l’Assemblée pour la première fois ; l’homme fait une impression insignifiante.

Le premier président de la République

En cet automne 1848, l’Assemblée met en place la constitution de la République et règle la question de la nature du pouvoir exécutif. On opte finalement pour un président de la République, élu au suffrage universel pour un mandant de quatre ans, non reconductible. Dès le 26 octobre, la loi de proscription des Bonaparte étant abolie, Louis-Napoléon annonce sa candidature à la présidence de la République. Après une campagne habile, propre à séduire aussi bien à gauche qu’à droite, il rassemble sur son nom les mécontents de tous bords. La victoire est triomphale, le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte recueille plus de 74% des suffrages.

La présidence de Louis-Napoléon Bonaparte s’avère délicate : obligé de gouverner avec le parti de l’ordre qui lui avait apporté son soutien, il se trouve en perpétuelle opposition avec les députés de l’Assemblée nationale. Durant l’automne 1850, le bras de fer avec la majorité monarchiste se durcit. En 1851, le prince-président envisage une réforme de la constitution visant à le rendre rééligible. Pour sonder l’opinion, il organise des tournées en province. Les deux tiers des conseils généraux se rallient à sa cause, mais les orléanistes s’allient à la fraction ouverte de gauche pour le contrer. Aussi, le 19 juillet 1851, l’Assemblée refuse en bloc la réforme constitutionnelle et, en même temps, supprime le suffrage universel. Les classes populaires ne se reconnaissent plus dans le régime. Dès lors, le coup d’Etat devient inévitable.

Le coup d’Etat

Pour préparer le coup d’État, Louis-Napoléon s’entoure d’une équipe dirigée par son demi-frère, Morny, fin stratège auquel il confie le ministère de l’Intérieur. Le général de Saint-Arnaud, de retour de l’armée d’Afrique, est nommé ministre de la Guerre et Emile de Maupas, ancien préfet, prend la tête de la préfecture de police de Paris. D’autres proches sont placés à des postes clés comme le général Magnan, nommé commandant des troupes de Paris. Cette équipe réduite choisit finalement, après plusieurs reports, de passer à l’action dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, plaçant ainsi le coup d’Etat dans la filiation du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d’Austerlitz.

Au matin du 2 décembre, les troupes de Saint-Arnaud occupent tous les points stratégiques de la capitale. Après avoir fait arrêter les principaux opposants, Louis-Napoléon édicte six décrets décisifs, fait afficher une « proclamation au peuple » à destination des Français, et une autre à destination de l’armée, qui déclare l’état de siège. Des six décrets, l’un dissout l’Assemblée nationale, un autre rétablit le suffrage universel, un autre déclare qu’une nouvelle Constitution est en préparation. Ce coup d’État ne va pas sans agitation. Les parlementaires se réfugient dans la mairie du 10e arrondissement et 220 députés votent la déchéance de Louis-Napoléon Bonaparte. Ils sont aussitôt arrêtés. Malgré l’habile contrôle par l’armée, une insurrection parisienne débute avec à sa tête plusieurs parlementaires républicains, dont Victor Schoelcher et Victor Hugo. Plus de soixante-dix barricades sont dressées et des insurgés sont abattus. Le 3 décembre, le député Jean-Baptiste Baudin est tué alors qu’il tient la barricade du faubourg Saint-Antoine. Dans l’après-midi du 4 décembre 1851, la fusillade des Boulevards fait 200 victimes. Au soir, la révolte populaire est matée, Paris est sous contrôle, les Parisiens retournent à leur vie quotidienne. Les dernières barricades, dont faisait partie Hugo, ne tombèrent que le 5 décembre.

Présentation de l'éditeur :

Le coup d'Etat du 2 décembre 1851 a profondément divisé les Français. Après plus de 150 ans, le temps est venu de dépasser les visions partisanes et, par le recours aux sources et aux témoins, de rechercher la seule vérité historique. Le coup d'Etat est ici narré d'heure en heure, parfois de minute en minute. Pour décrire sa longue préparation, son accomplissement en quatre jours - soixante mille hommes de troupes engagés contre les barricades - et l'écrasement final de l'insurrection, il fallait l'art consommé du récit et l'objectivité que l'on connaît à Alain Decaux. Il fait du lecteur un témoin à part entière. A l'aube du 2 décembre, il découvrira ces deux phrases affichées sur les murs de Paris : " L'Assemblée nationale est dissoute. Le suffrage universel est rétabli. " Il comprendra et jugera. Il s'interrogera aussi : le coup d'Etat est-il vraiment né, en 1851, d'une simple opportunité politique ? Ne s'agirait-il pas plutôt d'une réflexion nourrie, durant trente ans d'exil, par Louis-Napoléon Bonaparte ? A peine parvenu à l'âge de raison, il a vu Napoléon Ier, son oncle, à la veille de partir pour Waterloo, le regarder longuement. Après quoi, il l'a entendu prononcer ces quelques mots : " Peut-être est-il l'avenir de ma race ? ".

A noter :

Pour cet ouvrage, Alain Decaux a reçu des mains de SAI la Princesse Napoléon, le prix d'histoire du Second Empire 2008 de la Fondation Napoléon.

Alain Decaux, de l’Académie française


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Plus d'informations:

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