Le spectateur impartial, expliqué par Raymond Boudon

Sociologue, membre de l’Académie des sciences morales et politiques
Raymond BOUDON
Avec Raymond BOUDON
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Pourquoi défendre le principe du spectateur impartial ? Parce que, selon Raymond Boudon, la démocratie représentative est mise à mal par la politique spectacle et par la démocratie participative. Raymond Boudon est sociologue, professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne, et membre de l’Académie des sciences morales et politiques.

Comment le principe de spectateur impartial est-il applicable ? Adam Smith, qui est à l'origine de cette idée, suppose que le citoyen échappe à ses intérêts et à ses passions lorsqu'il est amené à se prononcer sur la plupart des sujets de société. «Dans ce cas, explique Raymond Boudon, il tire ses appréciations du bon sens. Sur bien des sujets soulevés par la vie de la Cité, nombre de citoyens sont dans la position du spectateur impartial et ont toutes les chances d'avoir une opinion inspirée par le bon sens. De plus, dans une démocratie représentative, le représentant est placé sous le regard du spectateur impartial et doit donc chercher à anticiper et à respecter ses jugements

Le principe du spectateur impartial n'est-il pas mis à mal par la politique spectacle que l'on observe dans nos démocraties actuellement ? Devant l'obligation d'intéresser le citoyen à la chose publique, la politique peut verser dans l'émotion et la passion, au détriment de l'analyse. « Ce peut être vrai à court terme », réplique Raymond Boudon. « Mais à moyen et à long terme, dit-il, le citoyen garde la tête froide. Les gens sont beaucoup moins déterminés par ce qu'ils voient, que ce que l'on veut bien croire. Lorsque les Russes ont lancé leur Spoutnik, on sait maintenant que les citoyens russes ont alors pensé que c'était le dernier bobard du gouvernement soviétique. »
 

La vision de Raymond Boudon sur la démocratie est rafraîchissante et responsabilisante. Il note combien, en France, la séparation des pouvoirs n'est pas bien respectée, et induit une lassitude du citoyen. C'est ainsi que Raymond Boudon explique la propension française à descendre dans la rue plutôt que de faire confiance aux contre-pouvoirs, qui manquent.
« Ce qui fait la faiblesse du pouvoir politique en France, c'est qu'il a l'air d'être fort », disait Tocqueville.

 

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