Mazarin, Richelieu, Colbert et Sully : les grands serviteurs de l’État dans les manuels scolaires

Avec Christian Amalvi

Christian Amalvi présente l’historiographie du Cardinal Mazarin dans les manuels scolaires et les livres de vulgarisation des XIXe et XXe siècles ainsi que l’image de tous les grands serviteurs de l’État de l’âge classique : Sully, Richelieu, Mazarin et Colbert. Il souligne comment certains manuels font silence sur des événements jugés dérangeants...

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : hist221
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Christian Amalvi, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paul Valéry, consacre la première partie de cette émission à l'image du Cardinal Mazarin dans les manuels scolaires de l'école primaire et dans les livres de vulgarisation de 1830 à 1990. Il s'intéresse, ensuite, à l'image de tous les grands serviteurs de l'État de l'âge classique, inaugurés par le couple Henri IV - Sully, puis Louis XIII - Richelieu et Louis XIV - Colbert. Seul le Cardinal Mazarin aura été a la tête du royaume pendant une période de régence.

 

Christian Amalvi

 

Christian Amalvi présente son analyse au regard de deux critères:
-* les manuels et livres catholiques
-* les manuels et livres laïcs
 

 

Dans un premier temps, il traite de l'image du Cardinal Mazarin qui est partagée selon les confessions.
La politique extérieure et la diplomatie du Cardinal Mazarin font l'unanimité chez les laïcs et les catholiques. En revanche, les catholiques insistent sur le fait qu'il s'est allié avec le diable - les princes protestants - pour la signatures des Traités de Westphalie ; tandis que les laïcs insistent sur le coût de cette politique qui a ruiné le peuple français et provoqué la Fronde.
Quant aux livres de vulgarisation, ils mettent en scène toute la vie du Cardinal et pas seulement son action politique. Au début du Second Empire, les biographies publiées montrent Mazarin comme un sauveur (il a maté la Fronde) en faisant un parallèle avec Napoléon III qui vient d'étouffer toute velléité de construire une république. Les manuels scolaires de cette époque donnent également une image très positive du Cardinal qui a sauvé la France de la révolution.
Christian Amalvi rappelle que ses origines italiennes n'ont pas été un facteur de dévalorisation de son image. Au contraire, elles expliqueraient sa subtilité diplomatique.
En définitive, son image est globalement positive, même si aujourd'hui Mazarin a disparu des manuels scolaires d'enseignement primaire.

Dans un deuxième temps, Christian Amalvi analyse l'image du prédécesseur de Mazarin, le Cardinal Richelieu, grand ministre de Louis XIII.

Le Cardinal Richelieu

Dans les manuels scolaires et les livres de vulgarisation, Richelieu préfigure la Convention : il mit en place des mesures de salut public telles que l'interdiction des duels. Les manuels laïcs et catholiques donnent une bonne image du Cardinal pour les mêmes raisons : il combattit vivement le protestantisme et sauvegarda l'unité du royaume. Christian Amalvi explique que le Cardinal possède un atout que Mazarin n'avait pas. Richelieu était un homme de terrain auréolé de gloire et d'images fortes : Richelieu se dressant sur les fortifications de la Rochelle face à la flotte anglaise. L'image de Richelieu a été démocratisée grâce à la littérature de vulgarisation et au célèbre roman d'Alexandre Dumas.
 

Jean-Baptiste Colbert

Christian Amalvi s'intéresse ensuite à l'image de Colbert, successeur de Mazarin. C'est un personnage édifiant qui porte à son crédit un grand nombre de réussites.
Il apparaît toujours comme le meilleur serviteur de l'Etat, le bon génie de Louis XIV. Pendant la IIIe République, ses valeurs seront portées aux nues par les hussards noirs de Jules Ferry. Pour les manuels laïcs, la mort de Colbert a conduit Louis XIV et la France à la ruine.
Il préfigure la bourgeoisie au pouvoir : les origines bourgeoises de Colbert sont soulignées dans tous les manuels scolaires, comme pour porter un jugement de valeur: quand la bourgeoisie est au pouvoir, le royaume se porte bien.

Enfin, Christian Amalvi revient sur le premier de ces grands serviteurs de l'État: Sully, ministre d'Henri IV et protestant.

Maximilien de Béthune, duc de Sully

Les manuels laïcs passent sous silence les massacres de la Saint-Barthélémy et l'intolérance à l'égard des protestants. Sully n'a dû son salut qu'à son sang froid. Bien que protestant, les catholiques lui reconnaissent quelques qualités.
Les manuels laïcs ne font pas référence à ses origines nobles. Il est présenté comme quelqu'un de sobre mettant sa vie en accord avec ses principes.

Globalement, l'image de chacun de ces grands serviteurs de l'État dépend du contexte historique dans lequel ont été publié les livres et dans quel camp : catholique ou laïc. Aujourd'hui, ces figures de l'âge classique ont été reléguées au second plan. Le Cardinal Mazarin ne fait, aujourd'hui, plus partie du programme de primaire.

|En savoir plus:|

- Mazarin : les lettres et les arts, publié aux éditions Monelle Hayot

|Ecoutez|

- L'émission avec l'éditeur Monelle Hayot sur l'ouvrage consacré à Mazarin, les lettres et les arts, dans lequel Christian Amalvi a rédigé un chapitre sur l'image des grands personnages dans les manuels scolaires.
- l'émission avec Christian Péligry directeur et conservateur de la Bibliothèque Mazarine
- l'émission avec Claude Dulong-Sainteny sur les richesses du Cardinal Mazarin
- l'émission sur les années italiennes de Mazarin, avec Simone Bertière

 

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