L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques (1/2)

avec Paul Caro, Bernard Cabane, correspondants de l’Académie des sciences et Gilles Boeuf du Muséum national d’histoire naturelle
Bernard CABANE
Avec Bernard CABANE
Membre de l'Académie des sciences

Si les organismes vivants sont sortis de l’eau par hasard, ce n’est en rien par hasard qu’ils se maintiennent hors de l’eau. La vie dépend beaucoup des échanges d’eau entre les différents milieux : intra- et extra-cellulaire, fluides internes et monde extérieur. La couche d’eau localisée à la surface des protéines est déterminante, par exemple, pour leurs propriétés fonctionnelles. L’Académie des sciences a consacré une séance à l’eau dans les systèmes biologiques en mars 2009. Retransmission vous en est faite en deux parties sur Canal Académie.

Au cours de cette séance de l'Académie des sciences sur L'importance de l'eau dans les systèmes biologiques qui avait lieu fin mars 2009, les experts de diverses disciplines - physique, chimie, biologie… - débattaient de la structure, de la dynamique et du rôle de l’eau dans les processus biologiques, depuis l'interaction moléculaire avec les protéines jusqu’au fonctionnement cérébral.
Écoutez dans cette première partie Paul Caro, Bernard Cabane, Mounir Tarek et Gilles Boeuf.

Accédez à la seconde partie avec Denis Le Bihan de l’Académie des sciences et Mounir Tarek directeur de recherche au CNRS

L’eau, liquide de la vie

Paul Caro

Par Paul Caro, Directeur de recherche honoraire au CNRS, Correspondant de l’Académie des sciences

L’eau possède un certain nombre de propriétés de base qui ont sans doute joué un rôle dans l’apparition et le maintien de la vie. Le diagramme thermodynamique des états de l’eau montre une zone de stabilité du liquide bien adaptée aux conditions de température et de pression à la surface de la Terre. La densité plus faible de la glace implique que celle-ci flotte sur le liquide ; un paramètre important pour conserver la vie à travers les fluctuations climatiques. La liaison hydrogène qui caractérise les propriétés chimiques de la molécule est bien adaptée aux liaisons avec les molécules organiques et entre les molécules d’eau elles mêmes. Elle commande les relations hydrophiles et hydrophobes dont le jeu réciproque permet une grande variété de situations chimiques.
L’eau, dont la constante diélectrique est élevée, est un solvant pour un grand nombre de sels, mais aussi de gaz comme l’oxygène. En son sein peuvent se produire des réactions chimiques. Les propriétés thermodynamiques mesurées sur l’eau donnent parfois l’impression que l’eau est un liquide « anormal » (par rapport aux liquides formés d’un assemblage de sphères dures). Cette impression est due au fait que de nombreuses propriétés ne montrent pas une évolution linéaire avec la température et la pression en raison de la fluctuation du nombre de liaisons hydrogène entre les molécules d’eau. La « structure » de l’eau, étudiée par de nombreuses méthodes physiques, fait toujours l’objet de controverses parfois vives.
Par sa capacité de corrosion vis-à-vis des minéraux, l’eau a dû jouer un rôle primordial dans l’apparition de la vie (formation d’enzymes soufrées notamment). Elle héberge toujours des formes « simples », plus ou moins bien connues, d’êtres « vivants » (comme les virus dans les océans).


Des molécules hydrophobes dans l’eau

Bernard Cabane

Par Bernard Cabane, correspondant de l’Académie des sciences, Laboratoire Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH), Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielle de Paris (ESPCI)


On appelle « hydrophobes » des molécules dont la solubilité dans l’eau liquide est faible, principalement parce que ces molécules ne participent pas au réseau de liaisons hydrogène de l’eau. Dans cet exposé, Bernard Cabane montre comment la dissolution de molécules apolaires dans l’eau est possible, et comment elle peut se faire sans perte de liaisons hydrogène. Il présente dans un second temps deux exemples de grandes molécules hydrophobes dont la solubilité dans l’eau est très faible, et qui ont cependant des fonctions biologiques importantes. Le premier exemple concerne des molécules de médicaments, dont la solubilité est limitée par leur aptitude à cristalliser. Dans ce cas, on se demande si la production de ces médicaments sous forme de dispersions de nanoparticules, à structure amorphe, permettrait d’augmenter leur biodisponibilité.
Le second exemple concerne les tanins qui sont produits par les plantes et font partie de leur système de défense contre des agresseurs tels que des moisissures ou des herbivores. Dans ce cas, nous cherchons à comprendre comment la présence de protéines riches en proline dans la salive des herbivores et des humains permet d’éviter les effets anti-nutritionnels des tanins.















L’eau, une molécule-clé pour le vivant : l’eau dans la biodiversité

Gilles Boeuf

Par Gilles Boeuf, Université Pierre et Marie Curie-Paris 6/CNRS, Laboratoire Arago, Banyuls-sur-mer et Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris


Aujourd’hui, l’eau, essentiellement représentée par les océans, couvre plus de 70 % de la surface de la planète et offre plus de 90 % du volume disponible pour le vivant. Mais cette eau est salée et possède des spécificités strictes et constantes. Un peu moins de 300 000 espèces vivantes ont été décrites du milieu marin ce qui représente environ 13 % du total reconnu de la diversité spécifique de la Terre. L’eau est indispensable pour la Vie et la Vie est apparue dans l’océan ancestral, il y a un peu moins de 4 milliards d’années. Des événements déterminants s’y sont déroulés, de l’apparition du noyau de la cellule à la capture de micro-organismes devenus par symbiose les organites et à la pluricellularité (métazoaires). Plus tard, la sexualité s’y développera aussi, extraordinaire machine à générer de la diversité.
Le second évènement dans le même sens sera la sortie des océans, vers 400 millions d’années pour la vie organisée. Les différences entre vie dans l’eau et dans l’air sont fondamentales pour des raisons physiques comme la densité et la viscosité des fluides, la capacité thermique, le contenu en oxygène… et la présence d’eau à l’extérieur ou non.
L’eau est le solvant biologique universel et le contenu en eau des organismes vivants varie entre 4 % pour les formes de résistance à plus de 98 % pour certains groupes aquatiques. Confrontés aux lois physiques de l’osmose, les êtres vivants ont développé deux stratégies au cours de l’Évolution quant à la régulation des échanges d’eau et de sels : la régulation isosmotique intracellulaire, des premières formes de vie aux crustacés et la régulation anisosmotique extracellulaire, des crustacés aux mammifères et oiseaux. La composition du milieu intérieur des organismes marins est très proche de celle de l’eau de mer jusqu’à certains groupes de crustacés qui ont développé, il y a 500 millions d’années, une capacité pour la première fois à maintenir une homéostasie osmotique, ceci aussi pour la majorité des vertébrés.
Si la vie sort de l’eau par hasard, ce n’est pas par hasard que seulement certains groupes y parviennent. Les échanges d’eau et d’électrolytes, d’une part entre les milieux intra- et extra-cellulaires, d’autre part entre les fluides internes et le monde extérieur, sont la résultante de l’osmose et d’énergétiquement coûteux mécanismes du vivant. Un humain a besoin de 75 m3 d’eau au cours de sa vie pour satisfaire sa physiologie, son organisme variant en contenu en eau entre 60 et plus de 70 %, ceci dépendant de l’âge et du sexe.
Aujourd’hui, si globalement les ressources en eau ne sont pas menacées (et encore ?), l’eau buvable et utilisable devient de plus en plus rare et l’humanité doit urgemment prendre des mesures pour sa survie.


En savoir plus :

Écoutez la seconde partie avec Denis Le Bihan de l’Académie des sciences et Mounir Tarek directeur de recherche au CNRS

- Paul Caro, correspondant de l'Académie des sciences
- Bernard Cabane, correspondant de l'Académie des sciences
- Gilles Boeuf, Professeur des Universités, Président du Muséum national d'Histoire naturelle

Résumés des interventions sur le site de l'Académie des sciences. Cette séance avait lieu le 31 mars 2009.

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