Sur Canal Académie, écoutez Jean Anouilh lire Antigone

Avec les grands comédiens qui ont joué ses pièces. Extraits du film de Claude Santelli et du CD « À voix haute Théâtre »
Avec Virginia Crespeau
journaliste

Le 23 juin 2010 Jean Anouilh aurait eu cent ans. De magnifiques surprises vous attendent dans ce programme : vous entendrez Anouilh lire des extraits de sa pièce Antigone. De grands comédiens comme Suzanne Flon, Michel Bouquet, François Périer, des hommes de théâtre tels que Jean-Denis Malclès, Roger Lauran, des critiques littéraires comme Jacques Nerson, Frédéric Fernet et un inconditionnel amoureux du théâtre, Claude Santelli, évoquent Anouilh, l’homme et ses créations. Deux autres surprises vous attendent en fin d’émission !

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : par549
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L’auteur, metteur en scène et scénariste de films Jean Anouilh est né en en Gironde, à Bordeaux, le 23 juin 1910 ; il nous a quittés le 3 octobre 1987 à Lausanne (Suisse).

Colombe et son Père en 1986


Au cours d’une première émission, sur Canal Académie, en compagnie de l’une des quatre filles de Jean Anouilh qui porte le prénom de l’une des héroïnes d’une célèbre pièce de son père, Colombe Anouilh d’Harcourt, entourée du professeur Bernard Beugnot qui a dirigé les deux tomes consacrés au théâtre d’Anouilh parus chez Gallimard dans la collection de la Bibliothèque de La Pléiade, de Christophe Mercier, romancier et critique littéraire, auteur du livre Pour saluer Anouilh, nous avons évoqué sur Canal Académie la vie et l’œuvre de Jean Anouilh.



Pour poursuivre cette évocation, et honorer la mémoire et le théâtre d’Anouilh, Leslie Grumberg d’une part, qui dirigea la Société de Production des Films Pénélope vous invite à découvrir de larges extraits sonores d’une très belle émission de télévision qu’il produisit et qui fut réalisée et commentée par Claude Santelli en 1997 : « Anouilh 1910- 1987 » ; d’autre part, grâce à Prune Berge qui, chez Gallimard, dirige entre autres, depuis toutes ces dernières années, la passionnante collection « A Voix Haute », vous pourrez écouter Jean Anouilh lui-même lisant sa pièce Antigone, interprétant tous les rôles, se livrant par là à l’un de ses exercices préférés, les lectures de ses pièces : surprenant, captivant…

Jean-Pierre Marielle lit une lettre que lui adressa Jean Anouilh


Nous commençons cette évocation avec le rappel de la fascination exercée sur Anouilh par le théâtre de Shakespeare. Écoutez tout de suite après, le comédien Jean-Pierre Marielle vous faire la lecture d’une lettre-réponse touchante, attachante, pleine de confidences lourdes et réservées que Jean Anouilh lui adressa personnellement.

Jean-Pierre Marielle lit : « Cher Marielle, merci pour votre lettre. On ne pense jamais à s’écrire ce genre de choses et après tout, cela fait beaucoup de plaisir… La carte m’a ravi. Ma mère était musicienne d’orchestre, mon père mobilisé et de 1915 à 1928 à peu près, j’ai vécu trois mois par an dans ces endroits. J’étais le fils de la pianiste, j’entrais partout ; les musiciens, les garçons de café, les croupiers, les dames du vestiaire ont été les fées qui se sont penchées sur mon berceau. Ajouter que je connais à peu près tout le répertoire d’opérette du « Grand Mogol » aux « Cloches de Corneville » vus tous les soirs.
Il y avait encore des troupes fixes dans les casinos, et le front de mon théâtre qui fait froncer le nez des intellectuels ne vous étonnera plus…
»

Une Mère pianiste, la tournée des casinos


« Une mère pianiste, la tournée des casinos, Bordeaux où il né, on n'en saura jamais tellement plus des origines ni de la jeunesse de Jean Anouilh ; un enfant qui ne peut s’endormir la nuit en attendant le retour de sa mère… Quelle blessure est née alors pour qu’on voie Anouilh plus tard dans son œuvre, déchirer et noircir comme à plaisir les images de la famille, de la mère, des casinos… » commente Claude Santelli.

Frédéric Fernet déclare : « Qu’est-ce qu’il nous dit Anouilh ? Il nous dit : il n’y a d’amour qu’absolu, or l’amour absolu est impossible. Il nous dit : la famille c’est ignoble, la foule c’est ignoble… Il se terre dans un trou de souris rêvant dans les parages de l’amour fou et puis tentant une sortie contre la foule toujours ignoble… C'est-à-dire nous… »


Claude Santelli poursuit : « 1932, L’Hermine jouée par Pierre Fresnay, met en scène le premier de ces héros d’Anouilh, épris de pureté, qui choisissent le refus, le crime, la fuite, la mort, le non à la vie… »
Jacques Nerson, critique dramatique : « Il y a une blessure inguérissable, il y a la blessure de la pauvreté dont il ne guérira pas puisque, il nous l’explique lui-même très bien, on n’en guérit pas ; on ne guérit pas d’avoir été pauvre, d’avoir été vraiment pauvre comme il l’a été semble-t-il, notamment dans ces années où Jouvet avec une cruauté assez condamnable pour un chrétien quand même, se plaisait à l’appeler publiquement « le miteux. »

Ludmilla et Georges Pitoeff



Éconduit, méconnu par Louis Jouvet, Anouilh va être accueilli par Georges et Ludmilla Pitoeff ; il a sous le bras Le voyageur sans bagage. De cette rencontre Anouilh se souvient et dit : « Alors vraiment pour la première fois de ma vie, j’ai été épaté de voir qu’un homme qui avait lu cette pièce la veille, me disait tout ce que je pressentais mais que je n’avais pas écrit… Il le sentait ; il l’a montée ; huit jours plus tard, on répétait… »
Roger Lauran, comédien, homme de théâtre : « Certains soirs, on se demandait si on allait jouer parce qu’on n’avait pas payé l’électricité et donc tous les acteurs se cotisaient et on jouait tout de même… »
En 1938, André Barsacq monte le Bal des voleurs ; c’est donc André Barsacq que Jean Anouilh va rejoindre à l’Atelier que Charles Dullin parti vers un théâtre plus vaste, vient de lui confier.
Jean Anouilh disait du Théâtre de l’Atelier : « On est quand même dans un lieu hanté là, hanté par le Père Dullin, c’est une bonne référence, mais là c’est palpable encore, du moins pour moi… »

Jean-Denis Malclès, artiste peintre, complice privilégié des créations de Jean Anouilh pendant des années : « C’était vraiment sa demeure principale, c’était le lieu qui lui convenait par excellence. C’était le lieu où tous ses rêves, ses fantasmes, que sais-je, se réalisaient… »

Suzanne Flon, Jeanne d’Arc dans l’Alouette et Ismène dans Antigone



1944, Antigone : un coup de tonnerre !

Suzanne Flon : « Oui, en 44, pendant la guerre, nous jouions pendant la lumière du jour ; il faisait un froid de canard ; sous ma belle robe longue blanche j’avais des pantalons de ski resserrés en bas et quand on parlait, la buée sortait de la bouche tellement il faisait froid… »
Stéphane Barsacq, le petit-fils d’André Barsacq explique : « Jouer à la lumière du jour, oui, mon grand-père avait trouvé ce système assez ingénieux d’ouvrir le toit de l’Atelier et par un système de miroirs, de faire en sorte que l’action de la pièce coïncide avec la tombée du jour, et comme la tragédie se termine par la mort d’Antigone, évidemment la nuit l’emportait sur le jour.
»

Michel Bouquet a toujours soutenu et défendu le théâtre d’Anouilh


Michel Bouquet : « C’était d’un courage inouï de jouer une pièce sur la révolte, face aux Allemands occupant Paris. C’est un souvenir de théâtre absolument prodigieux. »

Jean Anouilh : « On n’écrit pas Antigone à cette période-là sans être frappé par quelque chose autour de vous qui ressemble à ce thème ; j’ai vécu depuis l’âge de 15 ans avec Antigone et Œdipe Roi, alors, ça s’est tout à coup cristallisé à ce moment-là, et j’ai senti quelque chose qui d’ailleurs a été partagée par le public ; il y a eu une résonance, tout d’un coup, étrange… »
À la question : « Vous savez que vous avez une étiquette politique ? » Anouilh répond : « Oui, ça j’ai une étiquette, mais ça ne veut pas dire que le produit placé sous l’étiquette corresponde à l’étiquette. » « Vous la récusez alors ? » « Non, je ne la récuse pas, je l’assume et la trouve charmante ; je suis très content d’avoir une étiquette absolument scandaleuse, je trouve ça très bien… Maintenant, ce que je pense vraiment, je ne l’ai jamais dit à personne exactement… »

Saviez-vous que Jean Anouilh lui-même prenait un plaisir extrême à lire chacune de ses pièces avant de les confier à l’interprétation des acteurs ?


Suzanne Flon aussi gardait un grand souvenir de ces lectures auxquelles Anouilh attachait beaucoup d’importance. Le témoignage de celle qui interpréta merveilleusement Jeanne d’Arc dans L’Alouette et Ismène dans Antigone fait partie du coffret d’un double CD dont l’écoute est passionnante et émouvante, intitulé « Jean Anouilh lit Antigone et compare sa pièce à celle de Sophocle » paru dans la collection À VOIX HAUTE parue chez Gallimard ; nous vous invitons à écouter le témoignage de Suzanne Flon contenu dans cette superbe collection créée par Gallimard.

Cette émission-hommage à Jean Anouilh et son œuvre sur Canal Académie vous permet d’écouter l’auteur de L'Alouette, Le bal des voleurs, Pauvre Bitos, Beckett ou l’honneur de Dieu… dans un extrait des scènes entre Antigone et sa nourrice, puis Antigone et Créon.


Mais le succès d’Antigone ne placerait-il pas dans l’ombre les autres créations d’Anouilh ? C’est du moins une idée que partage et exprime l’auteur du livre Pour saluer Anouilh, Christophe Mercier.

François Périer :"Anouilh était le lien rêvé entre le public, l’acteur et l’auteur


François Périer « Je ne l’ai jamais entendu dire de choses définitives sur le théâtre, pourtant j’en ai entendu des choses en la matière, le théâtre c’est… Ils ont bien de la chance ceux qui savent… Qu’est-ce que c’est que le théâtre ? »
Michel Bouquet : « Je pense que ce n’est qu’à partir de la déformation de la caricature que dans son théâtre les choses s’expriment dans le vrai ; je pense que c’est un acteur considérable sur le plan du rythme, sur le plan de l’importance dont la vie est comprimée entre les choses ; c’est un auteur qui a un muscle fantastique, et il est un peu parent avec Molière dans ce sens là… Il va tout de suite à la caricature, c'est-à-dire à la synthèse… Tout le théâtre d’Anouilh est un monde d’insectes qui grouillent de tous les côtés, et qui fomentent des complots, des cruautés malsaines, des rancœurs, et tout ce petit monde s’agite, s’agite et est émouvant et peut-être représentatif d’une caricature de l’homme »

Au cours de cette même émission, Canal Académie évoque par ailleurs les différentes tentatives entreprises par l'académicien historien Pierre Gaxotte pour que Jean Anouilh entre à l'Académie française ; c'est le neveu de Pierre Gaxotte, Philippe Gaxotte qui, en exclusivité pour Canal Académie, fait une lecture de la correspondance échangée entre les deux hommes de lettres.

Une biographie unique et passionnante qui brosse un portrait émouvant et cocasse, enrichi de souvenirs personnels


Une autre information de haute importance vous est communiquée en finale d'émission. Jean Anouilh déclarait : « Je n'ai pas de biographie et j'en suis très content ». En l'année de son centenaire, Jean Anouilh a aujourd'hui trouvé sa biographe, il s'agit d'Anca Visdei qui est elle-même auteur et metteur en scène ; Anca a connu Jean Anouilh et a échangé avec lui toute une correspondance et une complicité d'esprit qu'elle prend un grand plaisir à évoquer sur Canal Académie en compagnie de Virginia Crespeau.

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