La démographie d’Obama

Toujours d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Barack Obama incarne une Amérique qui a changé de visage. « Ce qui rend l’Amérique exceptionnelle, a-t-il dit après sa victoire, c’est qu’elle rassemble la nation la plus diversifiée de la terre. » Cette Amérique que revendique Obama doit pouvoir offrir un avenir à tous, « que vous soyez blanc, noir, hispanique, asiatique ou indien américain, jeune ou vieux, riche ou pauvre, apte ou handicapé, gay ou hétéro… »

C’est un exercice de style traditionnel pour un président des Etats-Unis d’en appeler à tous pour qu’ils puissent réussir sur la terre américaine dès lors qu’ils sont prêts à travailler, mais c’est la première fois que le président place sur le même plan les origines ethniques ou sociales et les orientations sexuelles, comme autant de communautés non plus fusionnées mais juxtaposées dans une mosaïque « arc-en-ciel » dont il est l’élu. Une Amérique qu’il est d’autant plus déterminé à promouvoir qu’elle a assuré son succès. C’est bien pour cette raison qu’il a pris position en faveur du mariage homosexuel et que sa politique d’immigration consiste à naturaliser massivement.


Le Figaro a publié le 9 novembre un tableau saisissant du vote « communautaire » de la présidentielle américaine : 39% des Blancs, mais 93% des Noirs, 71% des Hispaniques, 73% des Asiatiques, 60% des jeunes et 76% des gays ont voté Obama. Or les résultats des présidentielles depuis 2004 montrent que le vote démocrate se renforce : 59 millions (Kerry, 2004), 69 millions (Obama, 2008), et encore 61,7 millions (Obama, 2012) malgré les déceptions de la crise, tandis que, dans le même temps, le vote républicain ne cesse de s’éroder : 62 millions (Bush, 2004), 60 millions (McCain, 2008) et 58,5 millions (Romney, 2012).


Cette consolidation à gauche et cette érosion à droite sont-elles le résultat de ce que le New York Times (9 novembre) appelle le « mur de la démographie » ? La question vaut d’être posée. « Les changements démographiques de l’électorat américain sont intervenus à une vitesse telle qu’ils ont surpris les républicains au point que ceux-ci peuvent s’interroger sur leur avenir. » C’est pour la droite américaine un problème stratégique. Elle ne pourra pas seulement se dire qu’elle retrouvera ces bons Américains égarés le jour où les démocrates leur auront fait payer trop d’impôts. Et la droite française ferait bien de regarder ces résultats à la loupe.


François d’Orcival



Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 17 novembre 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.


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