Affaire Duflot contre Charles IX

Toujours d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Etre humiliée une fois pour un vice de procédure, passe encore, mais prendre le risque de l’être une seconde fois et qui plus est à cause d’un édit d’Ancien régime vieux de quatre siècles et demi, quand on s’appelle Cécile Duflot et que l’on chante chaque jour la « Carmagnole », il peut difficilement y avoir pire. Or c’est bien ce qui la guette.

Le 24 octobre, le Conseil constitutionnel réuni au grand complet, en présence de Valéry Giscard d’Estaing (mais pas de Nicolas Sarkozy), rejetait donc la loi de Mme Duflot sur le logement social au motif qu’elle n’avait pas respecté la procédure régulière au Sénat. Roger Karoutchi l’avait pourtant prévenue, mais, avec les 176 sénateurs de la gauche sénatoriale, elle passa outre allègrement. Quand le premier ministre s’en aperçut, il était trop tard et ce fut un « couac » magistral.


Or les sénateurs et députés de droite qui avaient saisi le Conseil constitutionnel de la régularité de cette loi avaient bien d’autres motifs à lui opposer que ce seul vice de procédure ; mais comme celui-ci était patent, les sages s’en sont tenus là. Pour autant, les autres motifs demeurent. De sorte que si Mme Duflot ne réécrit pas sérieusement sa copie, malgré sa prétention à avoir présenté la loi du siècle, celle-ci pourrait à nouveau être retoquée. C’est là où ça se corse.


Car ce projet de loi de « mobilisation du foncier public » pour obliger les communes à construire des logements sociaux méconnaît un principe du droit public : le domaine de l’Etat ne peut être aliéné ni gracieusement ni à « vil prix » (sauf de la personne publique à une collectivité également publique). Une disposition dont la source est un édit signé par un roi lointain, moins célèbre que sa mère, Catherine de Médicis, le roi Charles IX. Cet édit de Moulins (février 1566), jamais abrogé, avait pour but de préserver l’unité française et de protéger le souverain contre ses propres excès en l’empêchant de dilapider le domaine royal. C’était un temps de guerre civile et d’explosion de la dette. Charles IX réforma l’administration, réduisit le nombre de fonctionnaires, fit des économies. Son chancelier, Michel de L’Hospital, ignorait que ses règles traverseraient les siècles et survivraient à nos révolutions pour s’imposer à une ministre Verte, peu soucieuse de droit. Mais cela s’appelle le principe de précaution…


François d’Orcival



Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 1er décembre 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.


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