Assia Djebar, de l’Académie française : entre la France et l’Algérie

Genèse d’un écrivain entre littérature et cinéma
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Assia Djebar témoigne sur son adolescence, sa vie d’étudiante, de jeune épouse et ses premiers écrits dans la tourmente de l’histoire. Elle a été élue à l’Académie française en 2005 au fauteuil précédemment occupé par Georges Vedel.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : hab045
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Assia Djebar à Canal Académie le 28 juin 2006.
© Canal Académie

Jeune auteur en langue française, dès les années cinquante, Assia Djebar revient sur les années de sa jeunesse durant lesquelles la littérature, l'écriture, la philosophie, l'histoire, le journalisme, l'enseignement et le cinéma ont constitué les strates d'un fertile terreau pour son écriture. C'est son roman Femmes sans sépulture, paru en 1982 qui a contribué à la faire connaître d'un public plus large.


Née en 1936 à Cherchell sur la côte algérienne, près du mont Chenoua, Assia Djebar livre ici, avec générosité, les clefs de son éducation intellectuelle et morale. Elle raconte son goût précoce pour la littérature, ses rencontres, les écrivains qui l'ont marquée, la place et la liberté d'une jeune algérienne musulmane, brillante dans ses études, remarquée par ses professeurs, encouragée par sa famille à poursuivre des études supérieures en France en 1954. Elle intègre l'École Normale Supérieure Sèvres l'année suivante.


A l'âge de 22 ans, elle publie en 1957, chez René Julliard son premier roman, La soif. Elle l'écrit avec rapidité et facilité en accordant à cet exploit la place d'un coup d'essai. Suivront Les impatients en 1958, Les enfants du nouveau monde en 1962, Les alouettes naïves en 1967.


Sa détermination à rester, selon la formule de Diderot qu'elle a fait sienne, « en-dehors et au-dedans », de la guerre d'Algérie, a donné à la jeune femme qu'elle était et qu'elle évoque au cours de cet entretien, un regard libre et critique sur ceux qu'elle a croisés et ceux qui ont partagé sa vie.


Abordant ces différentes expériences dans cette émission, elle évoque ses professeurs, ses amies, le fiancé qui deviendra son premier époux, ses allers-retours incessants entre les deux rives de la Méditerranée.


Son œuvre est dominée par la conscience d'être entre-deux : entre l'Algérie et la France, entre l'Algérie d'aujourd'hui et celle de la colonisation, entre le berbère qu'elle considère comme langue de souche de tout le Maghreb, l'arabe, sa langue maternelle, et le français. Dans sa narration, les allers et retours entre différentes époques ou, entre des situations chronologiques différentes, entre des personnages apparemment sans rapport, donnent à son écriture une respiration profonde où la narratrice joue de ces frontières spatio-temporelles créant un espace de liberté et de libération.


Apprendre la langue de l'autre pour mieux en connaître la culture certes mais d'abord pour en approfondir la pensée. Formée à l'étude du grec et du latin, les auteurs anciens de l'Africa romaine lui sont devenus familiers au cours de son apprentissage scolaire. Parlant l'arabe, le berbère et le français depuis l'enfance, elle renonce à Paris, à un cursus de philosophie et en particulier à des recherches sur Averroès parce qu'elle n'a pas l'occasion au cours de ses études supérieures d'approfondir sa connaissance de la langue arabe. Plus tard, elle quitte l'enseignement de l'histoire moderne et contemporaine du Maghreb, au moment de l'arabisation décidée par le gouvernement algérien, parce qu'à Alger, son enseignement en français de l'histoire du Maghreb est refusé. Elle apprendra l'Italien pour mieux lire, dans le texte, César Pavese. Son exigence d'une maîtrise nécessaire des langues et l'amour de celles qu'elle porte en héritage féconde son écriture en langue française.


Pendant les années soixante-dix, elle réalise, en Algérie, deux films, La Nouba des femmes du Mont Chenoua et La Zerda ou le chant de l'oubli.


En 1977, elle réalise ce premier long métrage, La Nouba des femmes du Mont Chenoua, primé au Festival de Venise en 1979. Elle y aborde déjà des thèmes qui deviendront des années plus tard des sujets ou des épisodes de ses romans. Son livre, La femme sans sépulture (2002), est un hommage à une héroïne de la guerre d'Algérie, Zoulikha dont les enfants n'ont jamais pu enterrer le corps. Dans ce long métrage, Assia Djebar fait témoigner la dernière des filles de cette résistante surnommée « la mère des maquisards » de la région de Cherchell, l'antique Césarée romaine. De même, apparaît dans le film, le personnage féminin d'une fillette qui se cache au moment de l'attaque du maquis pendant laquelle, son frère résistant trouve la mort dont elle découvrira le cadavre avant les autres. Cette scène est reprise et intégrée dans un autre de ses romans La disparition de la langue française (2003).


Dans ses films comme dans ces premiers romans, Assia Djebar cherche une narration qui mêle l'Histoire, la fiction, des éléments biographiques. Elle construit ses romans méthodiquement à partir des années quatre-vingt, tel un architecte, dans la finesse d'une langue française qu'elle excelle à enrichir de la dimension cachée de la langue arabe.


Elle s'établit en France en 1980, prend un nouveau départ et publie à nouveau.


Pour en savoir plus


- sur la biographie d'Assia Djebar de l'Académie française

- sur son site Internet

- sur l'histoire de la guerre d'Algérie

- sur César Pavese

- sur Franz Fanon


- sur Fernand Braudel


Les films d'Assia Djebar peuvent être visionnés au Centre Culturel Algérien à Paris.

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