Berlioz et Liszt, Faust et le Diable, de « Fascinantes Étrangetés » au festival de la Côte Saint-André

Présentation de la XVIIIe édition du Festival Berlioz par Danièle Pistone, correspondant de l’Institut, François Thévenet et Luc Charles-Dominique
Avec Anne Jouffroy
journaliste

La dix-huitième édition du Festival Berlioz de la Côte Saint-André se tiendra du 18 au 28 août 2011. Un programme endiablé en l’honneur de Berlioz et de son ami Liszt ! Un colloque international sur « Les Fascinantes étrangetés". La découverte de l’altérité musicale en Europe au XIXe siècle » accompagnera du 24 au 27 août les rendez-vous musicaux de cette année fantasmagorique à La Côte Sainte-André.
François Thévenet, secrétaire général du Festival Berlioz, Danièle Pistone - correspondante de l’Académie des beaux arts- et Luc Charles-Dominique, co-organisateurs du colloque nous expliquent pourquoi « caresse des flammes », sabbats de sorcières et chevauchées fantastiques ont toute leur place, cet été, dans la cité dauphinoise.

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : carr778
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_ Berlioz et Liszt, une amitié sincère et diabolique

Dans les contes dauphinois, il était souvent question de sorcellerie, de feux sacrés, d’orgies de brigands, de danses diaboliques et frénétiques. Quelles histoires étranges le jeune Hector entendit-il pendant les veillées ? Qui diable rencontra-t-il dans les campagnes autour de La Côte Saint-André ? De quelle mythologie faustienne l’enfance de Berlioz fut-elle nourrie ? C’est Berlioz qui fit découvrir à Liszt le Faust de Goethe, dans la traduction de Gérard de Nerval ; en retour, Liszt lui dédia sa Faust Symphonie...
Entre Liszt, le virtuose, et Berlioz, l’impétueux, il y avait une communauté de passions, de douleurs, d’exigences. Le diable fut très présent entre les deux amis.

Bruno Messina et François Thévenet ont organisé pour le Festival Berlioz 2011 près de cinquante événements : concerts symphoniques, musique de chambre, cinéma, lectures, conférences, rencontres - dont une moitié en entrée libre ; ils ont invité plus de 1 200 artistes, dont Michaël Levinas, de l’Académie des beaux arts (le vendredi 26 août, piano, Schumann, Beethoven). Ils sont heureux d’accueillir le colloque « Fascinantes étrangetés » qui permettra de mieux comprendre les traces de cette « pensée sauvage » que les musiques de Berlioz et de Liszt portent parfois.

L’imaginaire musical du XIXe siècle au colloque international

Hector Berlioz, élu à l’Académie des beaux-arts en 1856

Cette rencontre scientifique réunira pour la première fois des spécialistes de la musique savante et des spécialistes de l’ethnomusicologie. Elle constituera une première réflexion d’ensemble sur la découverte de nouveaux horizons musicaux multiculturels en Occident au XIXe siècle et ses conséquences sur une nouvelle forme de composition musicale savante.
Daniel Pistone nous précise : « Pour montrer ce qu’est l’altérité dans différents pays, les conférenciers évoqueront aussi bien le monde créole que les gitans, le Pays basque que la Corse, les joueurs de guitare que ceux de cornemuse, etc. Certains d’entre nous ont choisi, en rapport avec Berlioz, l’image de l’altérité par excellence : le diable.
Personnellement, je parlerai de ce que peut représenter l’image du diable dans l’opéra. Certes, c’est un sujet qui peut paraître banal à première vue. On sait que le monde infernal dans l’opéra nous vient de la mythologie et que l’opéra baroque connait bien les scènes des enfers. Mais ce que je souhaite montrer ce sont, d’une part, les valeurs nouvelles que ces scènes d’altérité peuvent revêtir au XIXe siècle et, d’autre part, pourquoi et comment elles s’incarnent de façon burlesque sur la scène française au XIXe siècle. Dans l’opéra-comique, l’opérette, on a vu parfois “Madame le Diable” sur scène !
Nous nous demanderons aussi, pendant le colloque, comment notre imaginaire a transporté les objets, les symboles, les personnages qui n’étaient pas de notre monde (la danseuse indienne, par exemple). Il ne s’agit pas simplement d’étudier l’exotisme comme valeur culturelle occidentale banale, nous voulons aller, au-delà de l’exotisme, vers une étude ethnologique, anthropologique.
»


Pourquoi cette fascination étrange pour cet « Autre de la musique » ?


Stéréotypes culturels : diable-musicien, diable-danseur…

D’après Luc Charles-Dominique, le diable est flutiste, cornemuseux, parfois violoneux. C’est un stéréotype très ancien. Le diable-musicien entraînait les jeunes filles dans des danses frénétiques mortifères. Les sorcières, les morts, les squelettes des danses macabres ont illustré ces figures traditionnelles de la « mauvaise danse », la « mauvaise musique », depuis des temps immémoriaux (on pense au dieu Pan de l’Antiquité, mais aussi aux légendes du Moyen-âge et de la Renaissance). La littérature, la peinture, tous les arts en général, sont emplis de ces représentations étranges.

La « sidération » du XIXe siècle : la découverte de la culture folklorique

Franz Liszt

Les grands stéréotypes culturels ancestraux resurgirent au XIXe siècle quand on s’intéressa à l’ethnographie. On fit des recueils rassemblant les chants populaires, les contes, les légendes. Toute l’Europe se lança dans des collectes, réelles ou inventées, dans un but de propagande nationaliste. Chaque pays, qui venait de se forger une identité nationale nouvelle, avait besoin de se constituer un corpus de contes, de légendes, pour affirmer sa légitimité nationale.
Au-delà de cette dimension purement stratégique, il y eut une vraie fascination pour cette culture de l’étrange. Les collecteurs furent littéralement sidérés par la poésie et la musique populaires qu’ils découvrirent. « C’est de l’art » dirent les artistes admiratifs.
Le Romantisme participa à ce mouvement de recherches anthropologiques (invention du folklore, retour aux valeurs patrimoniales, amour de la nature-poésie, goût des ruines et du merveilleux).
De nos jours il est passionnant de lire les correspondances musicales dans ces œuvres ethnographiques. Le colloque de La Côte Saint-André se penchera sur le regard des compositeurs sur leur propre folklore et sur celui de tous les pays dans lesquels ils voyagèrent ou encore sur celui des pays lointains orientaux dont ils avaient une image précise ou fantasmée. Comment cet imaginaire-là donna naissance à une composition musicale particulière transcrite dans la plupart des œuvres du XIXe siècle, et même du XXe ?
La marque d’une culture orale transhistorique, mythologique, était toujours présente en France dans les années 1960. Dans les Alpes du Sud des ethnologues ont recueilli, en effet, des récits de diables-musiciens qui entrainaient des jeunes filles dans une « mauvaise valse ».

L’oralité, la forme la plus absolue de l’altérité pour les gens de l’écriture

Luc Charles-Dominique

Luc Charles-Dominique explique encore : « Tout ce que les ethnomusicologues retrouvèrent dans les campagnes fut considéré comme des vestiges de l’Antiquité. La culture orale qui nous vient du fond des âges a traversé les siècles de façon absolument intacte. Non contaminée par le progrès civilisateur et l’écriture moderne, elle est restée à l’écart de la culture urbaine, de son évolution, de ses vicissitudes. Une forme d’archéologie culturelle voit le jour : les paysans seraient-ils des incarnations vivantes de l’Antiquité ? La farandole provençale serait-elle une célébration mythique aux astres ?
Diableries et autres “danses des nonnes sous la lune” sont nos racines profondes et les modèles de la musique savante qui imprègnent toute la civilisation musicale européenne.
»

« Robert le Diable » est toujours là ! On le rencontrera cet été à La Côte Saint-André.»


Pour en savoir plus sur le Festival Berlioz et le colloque international consultez les dossiers ci-joints.













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