L’énergie nucléaire, mieux connaître son histoire pour comprendre ses enjeux

avec Roger Balian, membre de l’Académie des sciences, et Bertrand Barré, professeur émérite à l’ Institut national des sciences et techniques nucléaires
Roger BALIAN
Avec Roger BALIAN
Membre de l'Académie des sciences

Depuis la découverte de la radioactivité par Becquerel en 1896, l’énergie nucléaire a chamboulé notre mode de vie : utilisation à des fins d’armement, moyen d’énergie électrique, traitement de cancers avec la radiothérapie, et encore bien d’autres applications moins connues. Petit retour sur l’histoire du nucléaire et examen de son avenir, à partir de l’ouvrage L’énergie nucléaire, qui a reçu la mention "grand public" du Prix Roberval 2007.

_

C'est en 1896 que Becquerel découvre la radioactivité naturelle. Il constate en effet que l’émission spontanée par l’uranium de rayons invisibles impressionne les plaques photographiques et rend l’air conducteur.

Deux ans après, en 1898, Pierre et Marie Curie découvrent dans le minerai d’uranium deux autres corps :
- le polonium
- le radium
Ce sont eux qui donnent alors à ce phénomène le nom de «radioactivité» ! Ils recevront le prix Nobel 1903 pour leurs travaux.

Quelques années plus tard, c'est à Albert Einstein de faire son entrée dans la ronde. En 1905, il découvre la formule de la relativité :
E= mc2
L'énergie au repos E d'une particule isolée est égale à sa masse m multipliée par le carré de la vitesse de la lumière.

Trente ans plus tard, en 1934 Irène Curie et Frédéric Joliot réalisent cette fois-ci la radioactivité artificielle. Ils recevront le prix Nobel en 1935.

Le principe de la fission :

Quelques noyaux lourds sont fissiles : quand ils ont absorbé un neutron, le noyau composé est trop excité pour se débarrasser de son trop-plein d’énergie par désintégration radioactive. Comme une goutte d’eau trop grosse, il se sépare violemment en deux morceaux inégaux, en éjectant deux ou trois neutrons au passage. C’est la fission !
La somme des masses des fragments de fission et des neutrons est un peu inférieure à celle des masses du noyau initial et du neutron incident, il y a donc libération d’énergie.

Ainsi la fission d'un gramme d’uranium ou de plutonium produit plus d’énergie que la combustion d’une tonne de pétrole de gaz ou de charbon.

Champignon atomique produit par l’explosion sur Hiroshima, le 6 août 1945

La bombe A :

En 1939, Frédéric Joliot comprend que dans le cadre de réaction en chaîne, la fission nucléaire peut entraîner de grandes et puissantes explosions ainsi que la production d’une grande quantité d’énergie.

Albert Einstein, inquiet sur l'utilisation de cette énergie, adresse au président Roosevelt une lettre informant des dangers de la réalisation par l’Allemagne de la bombe A.
C'est à cette même époque que débute le programme de la bombe atomique côté américain qui recevra le nom de code « Manhattan ». Elle mobilisera pas moins de 130 000 chercheurs pour un coût de 2 milliards de dollars. Les deux bombes à Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945) provoqueront la mort de 240 000 personnes.

Les armes nucléaires aujourd’hui :

En 2005, on estimait à moins de 28 000 le nombre d’armes nucléaires dans le monde dont
- 10 300 pour les Etats-Unis
- 16 000 pour la Russie
- moins de 1400 pour les autres



La production d’électricité :

Les réacteurs nucléaires sont des réacteurs à fissions.
Un cœur de réacteur à eau sous pression (REP) est formé d’environ 200 assemblages combustibles, qui contiennent chacun une demie tonne d’uranium enrichi. Chaque assemblage produit de l’énergie pendant 4 ou5 ans puis est déchargé au cœur.
Pendant cette période, le réacteur aura produit autant d’électricité que 60 000 tonnes de charbon dans une centrale classique.

À l'échelle mondiale ce sont les Etats-Unis (103), la France (59) et le Japon (55) qui possèdent le plus de réacteurs en marche (en mai 2006).

La France métropolitaine compte actuellement 59 réacteurs nucléaires de type REP répartis sur 19 centrales.
© CNRS - Source EDF



Il existe de nombreuses autres applications des rayonnements :

Sur le plan médical tout d'abord, les IRM (imagerie par résonnance magnétique nucléaire) contribuent notamment à la détection de cancers.
Quant à la la gammadensitométrie permet aux médecins de mesurer à l'aide d'une «gamma-caméra» la densité des os par différence d'absorption de rayons gamma. Ils peuvent alors diagnostiquer une ostéoporose.
Les rayons permettent également la stérilisation du matériel chirurgical

Fruits légumes et viandes peuvent être ionisés. On parle également de "pasteurisation à froid"


Sur le plan agro-alimentaire l'irradiation alimentaire, ou «ionisation», consiste à exposer de la nourriture à des doses contrôlées de rayonnements ionisants pour :
- tuer les bactéries pathogènes, les parasites et les insectes;
- garder la fraîcheur du produit en ralentissant l'oxydation, la germination et le pourrissement

La radiation des fleurs de chrysanthème permet enfin de modifier leurs couleurs.

Sur le plan patrimonial, le traitement par irradiation de la momie Ramsès II a permis de la débarrasser des moisissures qui la détruisaient. Cette méthode permet également la datation des fossiles.

La momie de Ramsès II a été débarrassée de ses moisissures par le biais de l’irradiation




Le nucléaire sert à la propulsion navale civile ainsi qu'à la propulsion des fusées spatiales.


Enfin, une dernière application moins connue consiste en la dépollution des fumées ! En irradiant avec des faisceaux d’électrons un mélange d’eau et de fumées de centrale à charbon, on élimine les oxydes de soufre et d’azote responsables des pluies acides et le sous-produit ainsi obtenu est un engrais !


Écoutez les détails de cette émission en compagnie de Bertrand Barré, un des auteurs de l'ouvrage L'énergie nucléaire, et Roger Balian, membre du jury du Prix Roberval, qui a décerné une mention "Grand public" à cet ouvrage.

Betrand Barré

Bertrand Barré est ingénieur, professeur émérite à l’INSTN Institut national des sciences et techniques nucléaires.
Il a publié conjointement avec Pierre-René Bauquis, L'énergie nucléaire, comprendre l'avenir, aux éditions Hirlé en 2007. Cet ouvrage a reçu la mention Grand public du Prix Roberval, prix International francophone de vulgarisation scientifique.




Roger Balian, membre de l’Académie de sciences, physicien théoricien à Saclay, conseiller scientifique au CEA, était membre du jury du prix Roberval qui a attribué la mention "grand public" à l'ouvrage de Bertrand Barré et Pierre-René Bauquis, L'énergie nucléaire, comprendre l'avenir.

En savoir plus :

Bertrand Barré, Pierre-René Bauquis, L'énergie nucléaire, comprendre l'avenir, éditions Hirlé, 2007



- Roger Balian, membre de l'Académie des sciences
- Écoutez les autres émissions de Roger Balian sur Canal Académie


- Prix Roberval de l'UTC, Université des technologies de Compiègne

Écoutez nos émissions en lien avec le Prix Roberval, prix auquel est associé Canal Académie :
- Les lauréats du Prix Roberval 2008
- La recherche en Tunisie : une place grandissante


Écoutez nos émissions en lien avec l'énergie nucléaire de fusion, possible énergie du futur :
- L’énergie bleue : énergie nucléaire de fusion
- ITER : l’énergie nucléaire à partir des océans

Cela peut vous intéresser